Qui sauvera Tulkarem ?
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Qui sauvera Tulkarem ?

J'écris cet article alors que je suis présent dans le gouvernorat de Tulkarem, me déplaçant entre ses villages et la ville centre, et je vis quotidiennement une réalité qui ne supporte plus des descriptions en douceur. Ce qui se passe ici n'est pas une crise économique ordinaire, mais un processus d'étouffement complet, exercé en pleine conscience, visant la ville, ses habitants et ses infrastructures, pour la pousser progressivement vers un épuisement total. La question qui s'impose avec force est : qui sauvera Tulkarem de cette mort délibérée ?

Depuis un an, le gouvernorat vit dans un état de quasi-fermeture permanente. Des barrages militaires l'encerclement, et les portes se ferment et s'ouvrent selon un caprice de sécurité changeant, transformant les déplacements quotidiens en aventure. La porte de Shufa, qui est le principal lien entre Tulkarem et les Palestiniens de l'intérieur, se ferme de manière répétée, ce qui coupe le flux de clients et paralyse le commerce. Chaque fois que la porte est fermée, la ville se transforme en île isolée, et les marchés subissent des pertes directes estimées à des milliers de shekels par jour.

Selon des données officielles, environ 83 % des établissements économiques de la province de Tulkarem ont temporairement ou définitivement cessé leurs activités en raison des incursions, du siège et des fermetures répétées. Ce pourcentage signifie pratiquement que le marché n'est plus capable de remplir sa fonction de base, et que des milliers de familles ont perdu ou sont sur le point de perdre leur source de revenus unique. En déambulant dans le vieux marché et la rue de Paris, l'image est claire : des portes fermées, un mouvement timide, et des commerçants assis devant leurs magasins en attendant un client qui pourrait ne pas venir.

Dans les camps de Tulkarem et de Nour Shams, la fermeture se transforme en destruction directe. Selon des statistiques locales, l'armée d'occupation a détruit et incendié près de 300 magasins depuis le début de l'opération « Mur de fer ». Ici, nous ne parlons pas de dommages collatéraux, mais de ciblage direct de l'économie populaire. Ces magasins constituaient la colonne vertébrale du revenu de familles entières, et leur destruction signifie pousser des centaines de familles vers la pauvreté forcée.

Et durant ma présence dans les environs des camps, les effets de la destruction sont visibles : des rues détruites, des réseaux d'eau endommagés, et des fils électriques exposés. La destruction des infrastructures n'est plus une exception, mais une politique répétée, qui paralyse la vie quotidienne et impose un coût supplémentaire aux citoyens et aux municipalités, alors que la province souffre déjà d'une rareté des ressources.

La réalité économique à Tulkarem aujourd'hui est directement liée à cette fermeture. La ville dépend fortement des mouvements des travailleurs et du commerce avec l'intérieur, et avec l'interdiction faite aux travailleurs d'atteindre leurs emplois et les restrictions sur les déplacements des acheteurs, la liquidité a chuté à des niveaux dangereux. Les gens n'achètent que l'essentiel, tandis que des secteurs entiers, en particulier les restaurants et les magasins liés au mouvement extérieur, ont effectivement cessé leurs activités.

Le plus inquiétant dans cette situation est que la fermeture ne frappe pas seulement l'économie, mais menace le tissu social. Le chômage s'élargit, les pressions psychologiques s'aggravent, et l'état d'anxiété générale est devenu une partie de la vie quotidienne. À chaque visite, j'entends la même question : jusqu'à quand ? Et comment peut-on tenir dans une ville qui se ferme et se détruit de manière répétée ?

Le sauvetage ici n'est pas un slogan, mais une nécessité urgente. Ce qui est nécessaire en premier lieu, c'est de briser le silence face à ce que subit le gouvernorat d'un investissement et d'une destruction systématique. Tulkarem est aujourd'hui traitée comme une région sinistrée économiquement et structurellement, et non comme une ville traversant une crise temporaire. La poursuite de cette réalité signifie plus de pauvreté, et plus de déplacement économique silencieux.

J'écris ces mots alors que je suis au cœur du gouvernorat, et je vois une ville qui résiste par la volonté, et non par les moyens. Tulkarem ne demande pas des privilèges, mais son droit naturel à circuler et à vivre. Et tant que cet étranglement qui lui est imposé n'est pas ouvert, la question ne restera pas : qui sauvera Tulkarem ? Mais : combien de temps la ville a-t-elle besoin avant de s'effondrer complètement ?

 

 

Cet article exprime l'opinion de son auteur et ne reflète pas nécessairement l'opinion de l'Agence de Presse Sada.