Contrôle politique de l'aide : Comment Israël et les États-Unis réajustent le droit international sur les décombres de Gaza ?
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Contrôle politique de l'aide : Comment Israël et les États-Unis réajustent le droit international sur les décombres de Gaza ?

Aujourd'hui, en Israël, 37 licences d'organisations non gouvernementales internationales ont été suspendues, et ces licences, qui concernent des organismes opérant dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, expirent le 1er janvier.

Bien qu'Israël ait conditionné l'enregistrement préalable des ONG internationales pour qu'elles puissent poursuivre leurs activités, une exigence imposée avant le cessez-le-feu et l’adoption de la résolution du Conseil de sécurité sur Gaza, il est apparu que la mesure était non pas administrative ou réglementaire, mais plutôt partie intégrante d'un plan politique préétabli pour démanteler le système d'aide, et non pas pour le réglementer. Avec le cessez-le-feu, il ne semble pas que les États-Unis et Israël visent à atténuer la catastrophe humanitaire, mais au contraire, ils jouent un rôle systématiquement destructeur visant le système d'aide humanitaire et judiciaire international, dans un effort évident pour redéfinir les règles du droit international et du droit international humanitaire, faire abstraction des crimes israéliens à Gaza, et fournir un couvert politique et légal garantissant l'impunité.

Ce qui se passe aujourd'hui ne se limite pas à entraver l'aide ou à créer des restrictions administratives, mais constitue une tentative consciente de reformuler le système international lui-même, sur la base de la loi du pouvoir plutôt que du pouvoir de la loi, au bénéfice exclusif des intérêts israéliens, au détriment des droits du peuple palestinien, de la dignité des victimes, et du sens de la justice internationale. En ce sens, Israël ne gère pas une crise humanitaire, mais l'utilise comme un outil de souveraineté, redéfinissant le droit international comme un privilège qu’il accorde ou retire en fonction de ses calculs politiques et militaires.

Dans ce contexte, des agences des Nations Unies et des dizaines d'ONG ont dénoncé dans une déclaration conjointe les nouvelles procédures d'enregistrement israéliennes, les qualifiant de "floues, arbitraires et fortement politisées". Ces démarches ne sont pas techniques ou réglementaires ; elles représentent plutôt un instrument de contrôle politique direct sur l'aide humanitaire à Gaza, la transformant en un domaine soumis aux conditions de l'occupation et à ses priorités sécuritaires.

L'interdiction faite à plusieurs ONG, y compris des organisations réputées, de s'enregistrer ouvre la voie à un effondrement réel du réseau d'aide dans une région où plus de deux millions de personnes dépendent de l'aide pour survivre. En effet, le refus d'enregistrement signifie l'expulsion des employés internationaux, l'arrêt des opérations et l'accès bloqué au système bancaire, paralysant ainsi totalement la capacité de ces organisations à fonctionner.

Les Nations Unies ont clairement averti que l'effondrement des ONG internationales ne peut être compensé, car ces organisations injectent plus d'un milliard de dollars par an à Gaza, gèrent environ un tiers des lits d'hôpital, la majorité des centres de traitement de la malnutrition et près de 70 % des points de distribution de repas.

Quant aux prétextes israéliens de refus d'enregistrement, tels que "l'antisémitisme", "le terrorisme" et "la délégitimation d'Israël", ils ne sont que des concepts flous utilisés pour étouffer toute entité qui documente les crimes ou transmet des témoignages de victimes, transformant la critique des droits en un crime politique. De cette manière, les concepts mêmes des droits humains se changent en outils de criminalisation, et la solidarité humaine est redéfinie comme une menace sécuritaire.

Dans le même esprit, Israël a retiré des permis de travail à des organisations humanitaires internationales pour les empêcher d'opérer en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, sous prétexte de non-respect des procédures d'enregistrement, tout en répétant l'allégation éculée concernant certains employés impliqués dans "des activités terroristes".
Des avocats israéliens ont affirmé que les autorités ne fournissent aucune preuve, rendant ainsi la défense légale quasiment impossible, tandis que les organisations qui refusent de fournir des informations sensibles sur leurs employés palestiniens sont immédiatement classées comme "hostiles", dans une tentative manifeste de soumettre le travail humanitaire à une surveillance sécuritaire et militaire.

Ici, il ne s'agit plus d'assistance ou d'aide, mais d'une soumission politique complète : qui est autorisé à travailler, qui reçoit de l'aide, comment, sous quelles conditions et avec quel discours.

Ce qui est le plus alarmant est ce qui se prépare après le 31 décembre. Selon des sources diplomatiques européennes, les États-Unis cherchent à "partir de zéro" dans la coordination de l'aide humanitaire, c'est-à-dire vider Gaza des organisations ayant une expertise accumulée, et les remplacer par de nouvelles entités sans présence sur le terrain, mais politiquement alignées sur la vision américano-israélienne.

La discussion sur le "contrôle des bénéficiaires", les conditions de distribution et la gestion militaire directe révèle que l'objectif n'est pas l'aide, mais le contrôle de la société palestinienne et sa reconfiguration sociale et politique, sous des prétextes comme "la stabilité" et "la paix".

Hier, la Grande-Bretagne, la France et le Canada, ainsi que plusieurs autres pays, ont publié une déclaration conjointe exprimant leur inquiétude face « au nouveau déclin de la situation humanitaire dans la bande de Gaza ». Parmi les pays soutenant la déclaration figuraient : le Danemark, l'Islande, la Norvège, la Suède et le Japon. Cependant, ces positions diplomatiques tardives restent vaines, sans pression réelle, alors que plus de 80 jours se sont écoulés depuis le cessez-le-feu.

Parallèlement, les États-Unis continuent d'éroder ce qu'il reste du système de justice international, en imposant des sanctions illégales contre des juges de la Cour pénale internationale en raison de leur participation aux enquêtes sur des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité à Gaza. La cour a qualifié ces sanctions de « attaque flagrante contre l'indépendance de la justice internationale », soulignant que cibler des juges en raison de l'application de la loi menace l'ensemble du système juridique international. Le message américain est clair : la justice n'est permise que quand elle ne touche pas Israël.

Cela ne peut être dissocié des positions occidentales et arabes. Face à la gravité de la soumission du travail humanitaire et de l'attaque contre l'indépendance du droit international, la plupart des pays occidentaux se sont limités à des réactions hésitantes, exprimant une inquiétude ou appelant à la « retenue », sans actions concrètes ou pressions politiques réelles. Cette complicité silencieuse a donné aux États-Unis et à Israël une large marge de manœuvre pour imposer de nouvelles règles qui ont affaibli le statut du droit international et ont ancré son application sélective. De même, l'adoption par certains pays occidentaux du récit israélien sous les prétextes de « sécurité » et de « lutte contre le terrorisme » s'est faite au détriment des principes auxquels ils prétendaient s'engager, rendant la défense du travail humanitaire et de l'indépendance judiciaire conditionnelle à l'identité des victimes plutôt qu'à la référence au droit.

Quant à la position arabe, elle semble insuffisante pour suivre l'ampleur des transformations en cours. À l'exception de déclarations politiques générales, les pays arabes n'ont pas réussi à formuler une position collective capable de pression ou d'influence, ni à utiliser efficacement leurs outils diplomatiques, juridiques et économiques. Cette lacune ne reflète pas seulement une faiblesse d'action, mais laisse les Palestiniens de Gaza face à des politiques imposées à leur vie et à leur dignité sans soutien régional efficace.

Ce qui se passe à Gaza dépasse la guerre et la destruction, transformant la région en un terrain d'expérimentation pour redéfinir le droit international, l'action humanitaire et la justice, selon la logique de la domination et de l'impunité. Israël ne se contente pas de famer Gaza, mais cherche à contrôler qui lui apporte de la nourriture, qui documente ses souffrances et qui réclame justice pour ses victimes. Les États-Unis, quant à eux, fournissent le couvert politique et légal, et punissent quiconque ose briser cet équilibre.
Dans ce tableau, Gaza n'est pas seule visée, mais c'est le concept même d'humanité qui est attaqué, et le droit international est remodelé pour servir la logique du pouvoir plutôt que celle de la justice.

Cet article exprime l'opinion de son auteur et ne reflète pas nécessairement l'opinion de l'Agence de Presse Sada.