Quand l'arabisme devient une œuvre fondatrice... l'encyclopédie historique de la langue arabe comme exemple
L'édition de l'encyclopédie historique de la langue arabe n'est pas un simple événement linguistique, ni une réalisation académique isolée de son contexte historique et politique; c'est un acte civilisateur par excellence, qui remet la langue arabe à sa place naturelle en tant que langue d'une nation vivante, capable de produire du savoir et de se raconter elle-même.
Cette encyclopédie ne se contente pas de documenter les mots et leurs significations, mais elle retrace la vie du concept arabe à travers le temps: de la naissance des mots et comment leurs significations ont évolué, et comment l'arabe a exprimé les transformations sociales, politiques et intellectuelles que la nation a traversées au fil des siècles. Nous sommes face à un projet qui redonne du sens à l'idée d'histoire dans la langue, et qui rompt avec la presque rupture linguistique entre le passé et le présent, non pas en sanctifiant le passé, mais en le considérant comme une source de compréhension et de reconstruction.
À l'heure de l'hégémonie cognitive, de la globalisation culturelle, de l'intelligence artificielle et du profond développement technologique, la langue n'est plus seulement un outil de communication, mais elle est devenue un champ de souveraineté. Les nations qui ne documentent pas leur langue et ne comprennent pas son évolution interne laissent aux autres le soin de définir leurs concepts, de réinterpréter leur histoire, et de déterminer leur place dans l'échelle des savoirs mondiaux.
D'ici, l'encyclopédie historique de la langue arabe représente une restitution de l'histoire, de l'antiquité et de l'importance de la langue arabe et de son histoire étendue à travers les siècles, et un rejet implicite du rôle subalterne dans la production de la connaissance. C'est une déclaration historique qui affirme que la langue arabe n'est pas seulement une langue d'héritage, mais une langue de science, d'analyse et d'accumulation, capable de suivre le rythme de l'époque si la volonté politique, intellectuelle et institutionnelle est là, ce qui nous a apporté une encyclopédie historique de 300 000 entrées, avec un corpus avoisinant un milliard de mots provenant de dix mille sources dans la bibliographie, ainsi que dix mille racines morphologiques.
Beaucoup a été écrit ces derniers jours sur cette encyclopédie et son importance, et beaucoup plus sera écrit dans les décennies et siècles à venir. Si les livres vivent plus longtemps que leurs auteurs, et si les poèmes que nous récitons survivent alors que les siècles dans lesquels ils ont été écrits ont disparu, un projet de cette ampleur perdurera de nombreuses générations, plus que nous ne pouvons l'imaginer maintenant. Ce qui m'importe, en tant que partie de la communauté palestinienne à l'intérieur, est de souligner le lien de ce travail avec le Dr Azmi Bishara, qui a été à l'origine de notre création au sein des institutions avant son exil, et là-bas dans l'exil qu'il travaille à surmonter.
Il n'a jamais été un penseur isolé dans une tour d'ivoire, ni un intellectuel se contentant de diagnostic et de critique, mais il était - depuis qu'il était au pays avant son exil forcé - un acteur fondateur et un leader de terrain, alliant production d'idées et construction d'outils institutionnels et organisationnels sur le terrain.
À l'intérieur de la Palestine, Bishara a contribué à fonder et à construire plusieurs institutions de recherche, culturelles, politiques et de droits, qui ont formé et continuent de former une véritable infrastructure pour la production d'une connaissance critique, pour la préservation de l'identité nationale, et pour former des générations de chercheurs, d'intellectuels et d'acteurs dans les affaires publiques. Ces institutions ne furent pas une réaction circonstancielle, mais des projets de longue durée, nés d'une conviction profonde selon laquelle les idées vivent seulement s'elles sont protégées par des institutions, et que la connaissance ne s'accumule pas sans des cadres qui l'organisent et garantissent sa continuité.
Ce rôle fondateur sur le sol national explique beaucoup du parcours ultérieur de Bishara. L'encyclopédie historique de la langue arabe ne semble pas ici être un projet séparé ou anodin, mais une extension naturelle d'une compréhension profonde du rôle de l'intellectuel, qui est de transformer l'idée en structure, la vision en projet, et le rêve en action.
Pour Azmi Bishara, l'arabisme n'est pas un slogan émotionnel levé en temps de crise, ni un discours constructif produit par des systèmes et des dirigeants arabes pendant des décennies, mais un projet d'action mesuré par sa capacité à produire un savoir qui profite à la nation et à construire des institutions et des réalisations.
Ainsi, selon cette compréhension, l'arabisme se mesure à la profondeur de l'impact sur la production de la pensée, la construction des institutions et la possession d'outils conceptuels pour comprendre et changer notre réalité. L'encyclopédie historique est un exemple d'arabisme en tant qu'action concrète, sans prétention symbolique, et de culture en tant que champ de lutte tout aussi important que la politique.
Quand on dit que l'accomplissement de l'encyclopédie est une "promesse honorée", la promesse ici n'est pas un engagement personnel, mais un engagement historique envers la langue en tant que récipient commun de la mémoire, de l'identité et du savoir. Et en même temps, c'est une ouverture vers un nouvel horizon pour des générations de chercheurs, d'étudiants et d'intellectuels afin qu'ils traitent l'arabe comme une langue vivante et vibrante, capable de se moderniser et de produire un savoir moderne dans la langue de son peuple.
Dans un moment arabe alourdi d'impuissance et de fragmentation, cette réalisation vient nous rappeler que le travail sérieux reste possible, et que l'arabisme construit par l'action, le savoir et l'institution, et non par le bruit et la mise en scène, peut laisser une empreinte profonde qui dépasse le moment éphémère.
L'encyclopédie historique de la langue arabe est une pierre angulaire dans le projet de rétablissement de la confiance dans l'esprit arabe. Ainsi seulement se construisent les nations, mot après mot et sens après sens.
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