Palestine et l'holocaustie politique : de l'extermination physique à l'abolition politique
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Palestine et l'holocaustie politique : de l'extermination physique à l'abolition politique

Bien que le terme "holocauste" renvoie à la définition liée au contexte de l'extermination des Juifs par les nazis avec la complicité du fascisme, son invocation dans le champ politique actuel, après les événements du 7 octobre 2023, ne se fait pas en dehors de son contexte historique original. Elle n'est pas destinée à établir des comparaisons, ni à être une appropriation ou un scepticisme. L'holocauste, en tant que sommet de la violence organisée et de l'extermination délibérée, demeure un événement tragique marquant qui visait à transformer l'homme en un chiffre déplacé. Ce qui nous intéresse ici, c'est la logique qui a été mise en place pour encadrer cet événement politiquement jusqu'à aujourd'hui, et non pas l'événement en tant qu'histoire passée.

Cependant, ce qui a été le plus dangereux à l'époque de l'"holocauste", c'est la tentative sérieuse d'évacuer la question des victimes de sa signification politique, c'est-à-dire de transformer l'homme juif en un être indésirable dont il faut expulser l'existence de l'espace public et du droit à l'expression de soi. C'est précisément ici que le terme se déplace de l'espace de la mémoire pour faire appel directement à la deuxième décennie du troisième millénaire, où des modèles d'exterminations systématiques se sont répétés et continuent de se reproduire, dans le but d'exclure l'agent palestinien de la géographie et de l'histoire, en plus de nier ses droits et ses souffrances.

De cette perspective, l'"holocaustie politique" n'est pas évoquée comme un événement historique, mais comme une logique qui a été créée et qui continue à fonctionner pour encadrer un type de gestion des conflits par la brutalité, où il n'est pas seulement souhaité que la victime soit exterminée physiquement, mais aussi qu'elle soit abolie physiquement et existentiellement, dans une abolition qui remplace la question de la justice par celle de l'aide, la question de la libération par celle de la stabilité, et la question de la souveraineté par une logique de gestion.

Ainsi, l'holocaustie politique, en ce sens, ne nie pas le crime et ne cache pas la victime, tout comme elle ne fait pas disparaître l'agent, mais elle déplace le conflit de son carré politique à sa question humaine, où le premier est enfermé et le second est épuisé, remplaçant la question de la reconnaissance par celle de la définition. Au lieu de poser la question fondamentale : le monde reconnaît-il le droit palestinien ? la question devient : de quelle Palestine parlons-nous ? De la Palestine des droits nationaux, ou de la Palestine gérée sous des affiches humanitaires ? De la Palestine du peuple ? Ou de la Palestine de la terre ? Celle que l'occupant veut comme une terre sans peuple.

En temps d'extermination, ce parcours se manifeste clairement, alors que l'ensemble des territoires palestiniens, pas seulement Gaza, est soumis à une extermination physique, le processus est complété par une extermination politique parallèle, où la question est décomposée en dossiers humanitaires et géographiques séparés : un dossier humanitaire, un autre sécuritaire, économique dans sa dimension stratégique, et négociable dans son mouvement tactique ; le tout sans un lien souverain général, comme si ce sont des solutions qui paraissent pour compléter un long parcours qui a atteint son paroxysme avec la première administration de Donald Trump, qui a alors proposé ce qui était connu à l'époque sous le nom de "deal du siècle", qui n'était pas simplement un plan visant à liquidé la question palestinienne couronné par un échec politique – comme nous l'avons cru – autant qu'elle était une réussite structurelle pour établir les premières pierres en changeant les règles du conflit ; le "deal" n'a pas cherché à résoudre le conflit politiquement, mais à le déconstruire progressivement ; à travers l'approfondissement de la séparation entre la géographie et la politique, pour transformer les droits nationaux en projets économiques, et remplacer l'idée d'État par celle "d'améliorer les conditions de vie" ; c'est pourquoi, il n'a pas échoué et n'a pas sorti la question palestinienne de l'histoire politique, mais il a préparé un environnement géopolitique pour s'adapter à ses transformations ultérieures.

Et parce que les grandes questions ne sont généralement pas exterminées seulement par la force militaire, des conceptions alternatives sont proposées d'une manière encore plus dangereuse, surtout lorsque ces grandes questions sont vidées de leur signification politique, pour être redéfinies en dehors de leur contexte historique comme une tragédie humanitaire gérable, et non comme une question de libération nationale nécessitant des solutions politiques ; c'est ce qui a poussé l'esprit politique sioniste-américain à tenter de fournir un soutien international qui pourrait être impliqué sous la pression de la guerre d'extermination.

Dans ce contexte, le plan de Trump, dès son premier moment, n'était pas un projet de paix au sens traditionnel, ni même un projet de règlement injuste au sens classique ; il n'a pas posé la question de l'État, ni celle de la souveraineté, ni même de l'occupation, mais c'était l'autre face du "deal du siècle" visant à redéfinir le conflit ; en ce sens, le deal était un entraînement précoce pour le plan dans lequel le système international s'est impliqué, peut-être sans intention, sous des slogans humanitaires l'amenant à se concentrer presque exclusivement sur la dimension humanitaire, indépendamment du contexte structurel, comme si l'on demandait à ce plan d'éviter l'effondrement de la région à cause de la Palestine, et non de sauver son peuple ; ce qui signifie que la légitimité ici n'a pas été utilisée pour produire un parcours politique, autant que pour réguler l'explosion et empêcher son expansion régionalement.

En fin de compte, il n'est pas possible de comprendre ce qui se passe en Palestine aujourd'hui comme un simple moment de violence ou un excès de puissance militaire, mais plutôt comme un parcours complexe alliant extermination physique et tentative d'abolition politique, entre le meurtre du corps et la désactivation du sens ; c'est ici précisément que "l'holocaustie politique" devient une description qui ne vise pas tant à établir une analogie historique qu'à révéler la logique, la logique de sauver l'homme tout en neutralisant sa cause, et de protéger la vie tout en la vidant de son droit à la souveraineté et à la représentation, pour intensifier la contradiction que porte le titre : Palestine et l'holocaustie politique, entre une reconnaissance qui s'élargit et une réalité qui se ferme ; entre un monde qui l'appelle État, et une terre gérée comme si elle était un excès par rapport à la politique et aux besoins.

Cet article exprime l'opinion de son auteur et ne reflète pas nécessairement l'opinion de l'Agence de Presse Sada.