La colonisation pastorale en Cisjordanie : le visage le plus dangereux de l'occupation et le scénario d'un déplacement organisé
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La colonisation pastorale en Cisjordanie : le visage le plus dangereux de l'occupation et le scénario d'un déplacement organisé

Tandis que l'attention se concentre sur les grandes colonies, un projet de colonisation plus subtil et moins coûteux sur le plan politique avance sur le terrain : la colonisation pastorale. C'est le visage le plus aigu de l'ensemble du système colonial contemporain, visant non seulement à loger des colons, mais à étouffer l'espace géographique palestinien et à transformer la terre en un réseau de zones de séparation, ainsi qu'à déplacer silencieusement les communautés agricoles et pastorales sous le couvert de ce qu'on appelle « l'activité agricole ».

La Cisjordanie connaît une vague de colonisation la plus large depuis des décennies, menée par la propagation rapide de ces points de colonisation pastorale. Le nombre total de points de colonisation est d'environ 289, dont plus de 100 points pastoraux se répandent comme un réseau épineux dans la vallée du Jourdain, à Jérusalem, Hébron, Ramallah, Naplouse et Salfit. Cette propagation n'est pas aléatoire ; la création de 61 nouveaux points a été documentée en 2024, ainsi que 9 points dans le premier trimestre de 2025, confirmant que ce rythme accéléré de l'expansion est planifié et systématique.

Ces points ne naissent pas dans le vide, mais bénéficient d'un soutien direct de l'institution israélienne officielle, transformant les ministères et les institutions financières en outils de confiscation des terres et de financement de la criminalité. Le ministère israélien de l'Agriculture a investi près de 3 millions de shekels entre 2017 et 2024 sous le couvert de « subventions pour les pâturages ». Parallèlement, le Fonds national juif (Keren Kayemet) a investi environ 4,7 millions de shekels dans les points pastoraux, se positionnant comme l'un des piliers de ce soutien à la colonisation et aux déplacements.

Bien que l'objectif déclaré soit « agricole », la signification réelle de cette expansion est politique et géopolitique par excellence. La colonisation pastorale est l'outil le plus rapide et le moins coûteux pour garantir un contrôle horizontal complet des espaces ouverts, en particulier les zones classées « C », qui représentent environ 60 % de la superficie de la Cisjordanie. En conséquence, les colonies contrôlent aujourd'hui plus de 42 % de la superficie de la Cisjordanie, et ce pourcentage augmente considérablement pour atteindre environ 80 % dans la seule vallée du Jourdain, qui constitue le réservoir alimentaire et hydrique palestinien. Cette expansion se traduit par une confiscation effective ; la superficie des terres cultivées par les colons est passée de 121 000 dunums en 2023 à 144 000 dunums en 2024, dans un processus organisé visant à déraciner le Palestinien de sa terre et à couper le contact géographique entre ses régions.

La violence systématique, soutenue et couverte par l'armée, est utilisée comme moyen central pour réaliser le déplacement quotidien. Les attaques des colons sont passées de 2 410 en 2023 à 2 971 en 2024, et le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a documenté en 2025 plus de 1 000 attaques visant 230 communautés palestiniennes. Ces agressions prennent la forme d'une guerre contre la terre et les moyens de subsistance, où 14 212 arbres palestiniens ont été détruits et arrachés en 2024, dont environ 1 200 oliviers lors d'attaques récemment documentées à la fin de 2025, dans le but de couper le lien de mémoire et d'économie palestinienne. La conséquence finale de cette politique agressive est catastrophique : la population de 24 communautés pastorales a diminué de 39 %, tandis que les autorités israéliennes ont démoli plus de 1 300 structures palestiniennes depuis début 2025, avec un but clair : une terre sans peuple.

La colonisation pastorale est le front le plus dangereux et le plus décisif dans la guerre de l'occupation contre l'existence palestinienne. Elle travaille à déchirer la géographie, à assécher les sources de subsistance et à effacer l'identité, pour créer une réalité démographique irréversible. Face à cette machine soutenue institutionnellement, chaque dunum cultivé, chaque tente dressée, chaque plant mis en terre devient un acte de résistance quotidienne. La résistance du Palestinien sur sa terre n'est pas seulement une défense du passé, mais la construction de la géographie de l'avenir. Car la terre, en fin de compte, conserve son récit et se place du côté de ceux qui la racontent par leur sueur et la protègent par leur existence.

Cet article exprime l'opinion de son auteur et ne reflète pas nécessairement l'opinion de l'Agence de Presse Sada.