L'industrie peut-elle sauver ce qui reste de l'économie palestinienne ?
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L'industrie peut-elle sauver ce qui reste de l'économie palestinienne ?

A un moment où le rythme de la production diminue, où des ateliers ferment leurs portes dans des villes de la Cisjordanie de Jénine à Hébron en passant par Jérusalem, et où la domination des biens importés sur le marché palestinien s'accroît, l'industrie palestinienne se présente comme une opportunité réaliste et urgente pour sauver ce qui reste de l'économie nationale. L'industrie n'est plus un simple secteur économique, mais un projet de survie et de souveraineté, qui mise sur les capacités locales et redonne son importance au cycle de production local. Elle est la seule capable de créer des emplois, de réduire la dépendance et d'assurer la sécurité économique en période de réduction des aides extérieures et d'élargissement de l'écart du déficit commercial.

État actuel de l'industrie palestinienne :

Les données du Bureau central des statistiques pour 2024 montrent que la contribution du secteur industriel au produit intérieur brut ne dépasse pas 13 %, ce qui indique une limitation de l'activité productive par rapport aux autres secteurs. De plus, plus de 70 % des produits de consommation courante sont importés d'Israël, reflétant le degré de dépendance économique en matière de besoins essentiels. Cette dépendance excessive affaiblit l'immunité économique face aux chocs et limite la capacité de l'État à gérer ses ressources de manière efficace.

Malgré cette réalité, la part du financement bancaire allouée à l'industrie reste inférieure à 5 %, tandis que les exportations industrielles ne dépassent pas 18 % du total des exportations palestiniennes. Cela soulève des questions sur l'absence d'incitations financières et commerciales pour ce secteur vital.

Un aperçu de la réalité : les rapports de l'Union des industries du cuir indiquent que plus de 200 usines et ateliers de fabrication de chaussures à Hébron font face au risque de fermeture ou ont réduit leur production en raison de la surenchère sur le marché, car des chaussures importées sont vendues à des prix inférieurs aux coûts de production locaux, rendant la concurrence sur le marché presque impossible.

Pourquoi la substitution industrielle est-elle importante ?

La substitution industrielle n'est pas simplement un terme de développement, mais constitue une pierre angulaire stratégique pour réaliser l'indépendance économique et réduire la dépendance. Miser sur le produit local signifie investir dans l'homme palestinien et renforcer le cycle économique intérieur. Cette orientation revêt une importance croissante dans les conditions actuelles :

Tout d'abord, réduire la dépendance à l'occupation en construisant des systèmes de production locaux capables de répondre aux besoins essentiels, ce qui a été mentionné par la Banque mondiale dans ses rapports successifs pour 2024-2025, comme levier de croissance durable.

Deuxièmement, traiter la crise du chômage élevé, dont le taux dépasse 25 %, rendant l'industrie l'une des voies les plus capables d'absorber la main-d'œuvre, notamment celle des jeunes.

Troisièmement, réduire le déficit de la balance commerciale palestinienne, qui présente un écart substantiel entre les exportations et les importations, entraînant un épuisement de la devise étrangère et une augmentation de la dette, affaiblissant la capacité du gouvernement à financer ses priorités.

Quatrièmement, renforcer la sécurité alimentaire et industrielle en développant les chaînes de valeur locales et en réalisant une autosuffisance progressive dans certains secteurs vitaux.

Cinquièmement, permettre à l'économie palestinienne de résister face aux crises en s'appuyant sur des ressources locales et en réduisant l'exposition extérieure.

Parmi les exemples positifs de cette orientation, le succès des industries alimentaires palestiniennes, notamment dans le secteur des produits laitiers, où les données du Bureau central des statistiques indiquent que les produits locaux ont pu couvrir environ 86 % du marché local au cours des dix dernières années. Cependant, la poursuite des importations d'Israël, en particulier dans le secteur des produits laitiers et de ses dérivés, pose des défis supplémentaires à une substitution complète nécessitant un soutien gouvernemental plus fort, une mise à jour des infrastructures industrielles et une orientation de la demande publique vers le produit national.

Les principaux défis :

Bien que l'orientation vers la substitution des produits locaux aux importés soit importante, le chemin est encore semé d'obstacles structurels. La faiblesse des infrastructures industrielles, en particulier la hausse des coûts de l’électricité et de l'eau, constitue un obstacle à la compétitivité du produit local, notamment en l'absence d'incitations fiscales et d'exemptions à la production.

Côté financement, les banques restent prudentes quant au financement des projets industriels, limitant la capacité des usines à s'étendre ou à se moderniser, tandis que le secteur souffre d'un manque de systèmes d'innovation et de recherche et développement, qui sont des outils essentiels pour tout renouveau industriel. De plus, les complexités liées à l'occupation concernant l'importation de matières premières et le transport de marchandises figurent parmi les principaux obstacles logistiques qui affaiblissent la flexibilité des industries palestiniennes et doublent leurs coûts.

S'ajoute à cela la limitation des canaux de marketing et la faiblesse du lien entre les zones industrielles et les marchés locaux, rendant la vente de la production plus difficile, surtout dans un contexte de diminution du pouvoir d'achat du consommateur palestinien en raison de la contraction économique.

▪︎ Les défis à Jérusalem : un microcosme de la situation générale

Les données de l'Union des industries et des chambres de commerce indiquent une diminution du nombre d'ateliers industriels dans la ville de Jérusalem, passant de 420 à seulement 180 en une décennie, en raison de la conjonction de plusieurs facteurs ; notamment l'augmentation des restrictions israéliennes concernant les permis de travail, et la hausse des coûts d'exploitation de plus de 45 % suite à l'augmentation continue des factures d’électricité et d'eau, ainsi que le recul de l'aide institutionnelle et financière pour ce secteur. Les témoignages de terrain de Aïzarieh, Abou Dis et des zones de l'ouest du gouvernorat de Jérusalem montrent que les ateliers industriels ne fonctionnent que deux à trois jours par semaine en raison des coûts élevés et de la concurrence féroce des biens des colonies qui entrent sur le marché à des prix préférentiels. Ce déclin aigu de la base industrielle à Jérusalem illustre de manière réduite la réalité industrielle palestinienne dans son ensemble, accentuant le besoin d'une intervention gouvernementale urgente pour assurer la continuité de ce secteur, et le soutenir par des plans de financement, de gestion et d'opération durables.

Que doit faire le gouvernement ?

Pour que la vision de la substitution industrielle devienne une réalité, le gouvernement doit adopter des étapes pratiques et complètes, parmi lesquelles :

Préparer une stratégie nationale pour la substitution industrielle commençant par l'identification de 10 biens pouvant être produits localement dans un délai de 3 ans.

Réorienter le financement bancaire vers le secteur industriel avec des taux d'intérêt simplifiés, et inclure des fonds de développement.
Régler les dettes du gouvernement envers le secteur industriel s'élevant à 1,7 milliard de shekels pour garantir la continuité de la production.
Créer des zones industrielles spécialisées et les relier à des réseaux logistiques, comme dans le modèle de Jénine.

Soutenir les industries alimentaires, à commencer par le secteur des produits laitiers, qui a réussi au cours de la dernière décennie à couvrir 86 % du marché local, malgré la poursuite des importations d'Israël, ce qui nécessite une révision des politiques douanières et une expansion du soutien technique.

Mettre en œuvre les recommandations de la Banque mondiale pour orienter l'aide vers la production locale au lieu de financer le déficit.

Lancer une campagne nationale pour soutenir le produit local commençant par les institutions officielles et s'étendant à la société.

La substitution industrielle aujourd'hui n'est pas un luxe, mais un devoir national et un outil de libération économique dans un contexte de défis politiques et de contraction financière. Une volonté politique, un financement dédié et un partenariat effectif avec le secteur privé sont nécessaires pour transformer cette ambition en réalité.

Il est temps de revenir à la production... et non de se contenter de la consommation et des justifications.

Cet article exprime l'opinion de son auteur et ne reflète pas nécessairement l'opinion de l'Agence de Presse Sada.