"Document de sauvetage national".. Sera-t-elle le début d'un parcours ou un recyclage de l'échec ?
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"Document de sauvetage national".. Sera-t-elle le début d'un parcours ou un recyclage de l'échec ?

Dans l'un des moments les plus sombres de l'histoire palestinienne, et en pleine guerre d'extermination israélienne en cours dans la bande de Gaza, un groupe de personnalités nationales, politiques, syndicales et académiques, tant de l'intérieur que de la diaspora, a annoncé le lancement du "Document de sauvetage national palestinien", comme une étape visant à briser l'état de division et à ouvrir une nouvelle voie vers une véritable unité nationale et un partenariat complet. Ce document, formulé sous le titre "Le peuple et la patrie d'abord", annonce une vision nationale unificatrice qui se concentre sur la sauvegarde du projet national palestinien contre le danger de liquidation et d'effondrement, et appelle tous à se ranger derrière un seul objectif : la liberté et l'indépendance sur la base du partenariat et de la légitimité nationale.

Cependant, comme pour chaque initiative palestinienne depuis des décennies, la question du doute s'impose : ce document sera-t-il un point de départ pour un nouveau parcours national, ou rejoindra-t-il le tas d'accords précédents qui sont restés enfermés dans des tiroirs, en raison des contradictions des factions, des divisions internes, du manque de volonté politique et de la persistance de certaines forces politiques à parier sur une voie de règlement et une illusion de solution à deux États au milieu de ce qui se passe, à savoir une guerre d'existence contre tout le peuple palestinien dans la bande de Gaza et en Cisjordanie ?
Les Palestiniens ont connu des dizaines d'accords depuis l'accord du Caire en 2005 jusqu'à la déclaration d'Alger en 2022, et tous ont porté à peu près les mêmes promesses : unité nationale, partenariat politique, activation de l'Organisation de libération de la Palestine, fin de la division, reconstruction des institutions… mais tous ont échoué devant l'égide des intérêts de faction et des considérations régionales, et se sont transformés en papiers sans contenu en l'absence d'un mécanisme d'exécution clair, ou d'une véritable responsabilité nationale.

Le nouveau document diffère relativement en termes de contexte et d'initiative. Il ne provient pas d'une faction, ni sous la direction d'une entité régionale ou internationale, mais émane de personnalités relativement indépendantes, représentant un large éventail des élites nationales et populaires, et porte un souffle populaire clair. De plus, sa publication coïncide avec le pic de la tragédie de Gaza, où il n'y a pas de place pour la manœuvre ou le luxe politique, mais c'est un moment décisif qui exige des décisions historiques. Ce document émane du cœur de la plaie, crie du milieu des décombres, et demande à tous de placer l'intérêt du peuple au-dessus des considérations de faction et des querelles partisanes.

Cependant, malgré cette relative positivité, le plus grand défi demeure : ce document se transformera-t-il en un véritable programme de travail national ? Les factions, en particulier les deux principaux belligérants dans la division, accepteront-elles de céder une partie de leur emprise sur le pouvoir et la domination en échange d'un projet national unifié ? Sommes-nous face à la naissance d'un parcours citoyen qui exerce une pression sur les dirigeants, ou ces derniers parviendront-ils à contenir le document et à le vider de son contenu comme cela a été le cas auparavant ?

Il y a quelque chose de plus dangereux que l'échec interne, c'est l'intervention extérieure. Il est évident que de nombreuses parties régionales et internationales surveillent cette initiative et pourraient chercher à intervenir pour la diriger ou l'absorber en fonction de leurs agendas :

Certaines régimes arabes pourraient prôner des "solutions humanitaires" qui clôturent le dossier de Gaza au détriment du projet national.

Les États-Unis et l'Europe ne manqueront pas de soutenir tout parcours conditionné par "le rejet de la résistance" et la consécration de la logique "de la paix économique".

L'occupation israélienne elle-même cherchera à déformer ou à fragmenter tout cadre unissant les Palestiniens en dehors de son contrôle.

Voilà où réside le nœud fondamental : quel projet national peut dépasser les factions, résister aux interventions extérieures et exprimer le peuple palestinien de manière effective et non simplement verbale ? Ce document peut-il constituer le noyau d'une forme telle qu'un "Conseil national de sauvetage de transition", réorganisant le tableau palestinien sur de nouvelles bases, en dehors de la division et du partage des pouvoirs ? Ou le terrain restera-t-il captif des centres de pouvoir armés et des considérations extérieures ?

Organisation de libération… du marginalisation à la réforme

On ne peut parler de "Document de sauvetage national" sans aborder la question essentielle qui résume la crise de la représentation palestinienne, à savoir la réalité de l'Organisation de libération de la Palestine, qui était - et demeure - le représentant légitime et unique du peuple palestinien, mais qui, au cours des dernières décennies, est devenue un cadre marginalisé, dépourvu de dynamisme, un outil politique aux mains de l'autorité régnante et monopolisé par une seule faction, et excluant de nombreuses forces et factions influentes sur la scène palestinienne, en plus de l'absence d'une véritable représentation de la diaspora, de la société civile et des jeunes diplômés.

Il est devenu nécessaire que le document serve de point d'entrée effectif pour reconstruire l'Organisation de libération sur des bases démocratiques, inclusives et participatives, garantissant la représentation de l'ensemble du peuple palestinien dans un programme politique global convenu, et redonnant à l'organisation sa position en tant que foyer de tout le peuple palestinien à l'intérieur et dans la diaspora, et non comme un simple titre utilisé en période de besoin ou à des fins de négociation.

Et il ne sera pas possible d'atteindre cet objectif sans organiser des élections démocratiques et transparentes pour le conseil national palestinien, ainsi que des élections parlementaires et présidentielles, qui serviront de point d'entrée pour renouveler les légitimations et permettre une alternance du leadership, et mettre fin à l'état de stagnation qui a épuisé le peuple palestinien et affaibli le projet national. La réforme essentielle ne consiste pas à recycler les mêmes élites, mais à ouvrir l'espace à la volonté populaire pour qu'elle s'exprime et choisisse ceux qui la représentent en cette période la plus critique de notre histoire.

Redonner du crédit à l'Organisation de libération et lier celle-ci à un processus démocratique véritable n'est pas seulement une exigence politique, mais une condition pour la survie même du projet national palestinien. Si l'organisation reste une simple coquille vide, l'occupation et la communauté internationale investiront ce vide pour imposer des alternatives et des projets alternatifs, allant de la liquidation de la cause à des solutions humanitaires, jusqu'à une autogestion qui n'a rien à voir avec la libération ou le retour.

Conclusion : Pas de temps pour le luxe politique

Ce dont le document a besoin maintenant, c'est d'une feuille de route précise et pratique, incluant :

Un calendrier clair pour lancer un dialogue national global
Des mécanismes de contrôle populaire sur l'application des dispositions du document

Une véritable représentation des différentes forces communautaires, jeunes et féminines, et non seulement des factions
Un engagement préalable de toutes les parties à cesser l'incitation et la division médiatique et politique
Une clarté dans la vision : l'objectif est-il de réactiver le statu quo ? Ou de le reconstruire depuis ses racines ?
Le document, avec tout ce qu'il porte d'espoir, ne suffit pas à lui seul, l'histoire palestinienne nous enseigne que le papier ne change pas la réalité, et que les bonnes intentions s'effondrent devant les systèmes d'intérêts. Mais en même temps, l'achèvement du document ou son ignorance approfondira la division et facilitera à l'occupation la mise en œuvre de ses plans, de la division de la Cisjordanie, à l'extermination de Gaza, à la judaïsation de Jérusalem, à la fragmentation de la diaspora.

Nous sommes à un véritable carrefour, et tout le monde doit choisir : soit un projet national de sauvetage global qui préserve ce qui reste du rêve palestinien, soit la continuation de la situation actuelle jusqu'au dernier coup de feu et au dernier martyr. Il n'y a plus de temps à perdre, et le luxe politique n'est plus acceptable, les sangs qui coulent à Gaza, Jérusalem, Naplouse et Rafah appellent tout le monde : "Le peuple et la patrie d'abord"… Y a-t-il un répondant ?

Cet article exprime l'opinion de son auteur et ne reflète pas nécessairement l'opinion de l'Agence de Presse Sada.