La réforme sous examen : allons-nous corriger les chiffres ou réorienter le parcours ?
L'appel à la "réforme" dans le discours économique palestinien n'est plus en soi une question de principe, mais s'est transformé en un refrain constant invoqué à chaque crise financière, souvent décrit comme une condition sine qua non pour le maintien du soutien international et le rétablissement de la stabilité. Cependant, la question qui est devenue plus pressante aujourd'hui ne concerne pas la nécessité de la réforme, mais sa nature réelle : doit-on corriger les chiffres ou réformer l'ensemble du parcours économique ?
Dans l'approche des bailleurs de fonds, la réforme se concentre généralement sur un ensemble de mesures financières et techniques, incluant le contrôle du déficit, l'amélioration de la collecte des recettes, l'optimisation des dépenses courantes et le contrôle de la facture des salaires. Selon la moyenne des données des cinq dernières années (2019–2024), les fonds de compensation représentent environ 62–65 % des recettes publiques totales, tandis que les salaires et les rémunérations constituent près de 48–52 % des dépenses courantes. Ces indicateurs sont souvent présentés comme le cœur du problème et sont ensuite utilisés pour justifier des politiques d'austérité qualifiées de réforme, sans s'arrêter suffisamment sur la nature même de ces recettes et leur stabilité.
Ainsi, les compensations, qui devraient être une source souveraine, se sont en fait transformées en une source d'incertitude permanente. Les déductions et retenues récurrentes ont rendu la planification financière dépendante d'une décision externe, plongeant les finances publiques dans un état d'urgence quasi permanent. Malgré cela, on demande au gouvernement de mettre en œuvre des réformes comme si cette source était stable et sur laquelle on peut s'appuyer. Ici, la réforme dépasse les limites de l'efficacité financière pour devenir une gestion de fossés contraignants dont les conséquences sont déplacées à l'intérieur, au lieu d'en traiter les racines.
Les conséquences les plus marquantes de cela se manifestent dans la ligne des salaires. Selon les données du ministère des Finances, le nombre de bénéficiaires de la ligne des salaires et des allocations est d'environ 292 000, incluant non seulement les employés en activité mais aussi des fonctionnaires civils et militaires, des retraités et des bénéficiaires de diverses allocations légales. Le nombre d'employés civils est d'environ 120 000, et celui des militaires autour de 52 000. Quant à la facture des salaires mensuels, elle est estimée à environ un milliard de shekels. Ces chiffres ne reflètent pas seulement un fardeau comptable abstrait, mais constituent une vaste masse sociale sur laquelle plusieurs centaines de milliers de citoyens dépendent de manière directe ou indirecte.
Le problème ne réside pas dans la taille de la facture elle-même, mais dans la manière de l’aborder dans le discours de réforme. Les salaires, qui devraient être un élément de stabilité sociale et un moteur de la demande locale, se sont transformés en un outil d'absorption des chocs financiers. Le report des salaires ou le paiement de pourcentages de ceux-ci ne constitue plus une mesure exceptionnelle, mais est devenu partie d'un mécanisme d'adaptation non déclaré. Des estimations en circulation indiquent que les créances accumulées des employés au cours des dernières années ont dépassé plusieurs milliards de shekels, signifiant en pratique le recours d'une large tranche de la classe moyenne au rôle de financeur silencieux du déficit public.
Économiquement, cette approche a un coût élevé. Le pouvoir d'achat se contracte, la demande locale décline, la vulnérabilité des ménages augmente, tandis que n'apparaissent pas d'indicateurs tangibles d'amélioration durable des finances publiques. La réforme, lorsqu'elle se résume à réduire une ligne ou à reporter un engagement, peut réussir comptablement à court terme, mais elle affaiblit l'économie à moyen terme et sape la confiance sociale.
Quant aux banques palestiniennes, elles se sont retrouvées au cœur de ce cercle vicieux. D'une part, le trésor dépend de plus en plus des facilités bancaires à court terme pour combler les trous de liquidités. D'autre part, les banques évoluent dans un environnement fortement risqué sur le plan politique et économique. Des données publiées montrent que l'exposition du secteur bancaire au secteur public a considérablement augmenté au cours de la dernière décennie, ce qui place les banques devant une équation délicate entre soutenir la stabilité financière et protéger leur solidité créditrice et les fonds des déposants. Ainsi, les banques passent de simples intermédiaires financiers à des gestionnaires de crise de facto, en l'absence de solutions structurelles qui allègent la pression sur toutes les parties.
Dans ce contexte, la question essentielle émerge quant à la nature de la réforme requise. Lorsque la facture des salaires est présentée comme un chiffre à réduire, la réforme devient un exercice comptable dont les résultats se mesurent en tableaux et pourcentages. En revanche, quand les salaires sont compris comme un élément de stabilité sociale en l'absence d'outils souverains réels, la réforme se transforme en des questions de choix et de politiques, et non simplement en des chiffres. Une réforme qui se concentre sur la réduction des salaires sans un plan parallèle pour générer des revenus alternatifs, stimuler une production réelle ou réduire la dépendance aux compensations, est une réforme qui améliore les indicateurs sur le papier, mais laisse l'économie plus vulnérable sur le terrain.
Il devient donc clair que la véritable réforme ne peut reposer uniquement sur l'austérité, mais nécessite une véritable diversification économique qui réduise la dépendance à des sources de revenus non garanties. À court terme, il est nécessaire de mettre en place un ensemble de mesures transitoires, y compris un traitement progressif et réfléchi de la facture des salaires, le renforcement du recouvrement des arriérés fiscaux sans nuire à l'activité économique, et la réorganisation de la relation de financement avec le secteur bancaire afin de réduire la pression sur toutes les parties. Sur le moyen et le long terme, le cœur de la réforme réside dans le redressement de la boussole vers les secteurs productifs réels — tels que l'agriculture moderne, les industries légères, le tourisme, et l'économie numérique — comme leviers capables de créer des emplois et de diminuer la dépendance aux compensations. Cela nécessite également de redéfinir la relation avec les bailleurs de fonds internationaux, de manière à orienter l'aide vers des investissements productifs durables, et non uniquement vers la gestion du déficit. La Palestine possède les ressources humaines et naturelles nécessaires pour cela, et ce dont elle a besoin aujourd'hui est une vision stratégique globale qui place l'homme au centre du processus de réforme, et non à sa marge.
En conclusion, les bailleurs ont le droit d’exiger des réformes, et il est du devoir du gouvernement de rechercher la discipline financière. Cependant, la véritable réforme ne peut se réduire à une simple correction des chiffres. La réforme nécessaire aujourd'hui est celle de la trajectoire : passer de la gestion de l'urgence à la construction d'une économie capable de réduire sa dépendance aux compensations, aux salaires, et aux banques en même temps. Car une réforme qui ne réduit pas la vulnérabilité ni n'offre une perspective économique claire restera une réforme incomplète, quelle que soit la rigueur de son discipline financière.
Dans l'affrontement moral de la sauvagerie israélienne
La réforme sous examen : allons-nous corriger les chiffres ou réorienter le parcours ?
Gaza : entre l'impasse du sauvetage et l'exigence de la libération nationale
Leurs positions cachent leur haine envers la bande de Gaza
Leurs marchandises leur ont été retournées
Entre l'exagération et la réalité : le fossé se creuse-t-il vraiment entre Israël et les É...
Attaque à Jaffa et l'importance de la réponse...