L' Economiste : Les cryptomonnaies rivalisent avec les banques pour le trône financier
Économie internationale

L' Economiste : Les cryptomonnaies rivalisent avec les banques pour le trône financier

SadaNews - Les cryptomonnaies ne sont plus un secteur marginal qui peut être ignoré ou raillé par Wall Street, mais, selon une analyse publiée par L' Economiste, elles se sont transformées en une puissance financière et politique qui menace désormais la position historique des banques dans le système financier américain, et même au sein du parti républicain lui-même.

L' Economiste commence son rapport en évoquant la citation attribuée à tort au Mahatma Gandhi: "D'abord, ils vous ignorent, ensuite, ils se moquent de vous, puis, ils vous combattent, et enfin, vous gagnez".

Bien qu'il ne l'ait jamais dite, cette phrase est devenue un slogan populaire dans le milieu de l'industrie des cryptomonnaies, qui estime qu'elle est effectivement passée de la marginalisation à l'influence.

Révolutions réglementaires et essor politique

L' Economiste indique que l'année 2025 a été exceptionnelle tant pour les banques que pour l'industrie des actifs numériques, puisque les cryptomonnaies ont profité de la clarté juridique apportée par la loi "Genius" promulguée en juillet, qui a établi un cadre réglementaire clair pour les stablecoins.

En contrepartie, les actions des banques ont augmenté d'environ 35 % depuis l'élection de Donald Trump, dopées par des attentes d'une réglementation plus amicale.

Le journal note qu'un nombre très limité de banquiers, même parmi ceux qui s'opposent politiquement à Trump, privilégient l'approche réglementaire qui a prévalu sous l'administration de Joe Biden, ce qui reflète le niveau de malaise causé par le resserrement réglementaire précédent.

Cependant, cette amélioration apparente masque une tension croissante, car L' Economiste estime que "la menace venant des cryptomonnaies est désormais bien plus grande que ce que les banquiers pensaient", et que la position traditionnelle des banques en tant que "l'aristocratie financière" du parti républicain est devenue moins établie avec l'émergence de nouveaux acteurs du monde des cryptomonnaies.

Les stablecoins... une faille qui inquiète les banques

Les stablecoins constituent la principale source d'inquiétude pour les banques, car bien que la loi Genius interdit à ces monnaies de verser des rendements directs à leurs détenteurs, dans le but de prévenir l'érosion des dépôts bancaires, L' Economiste note qu'il existe un "détournement évident" de cette restriction.

Des entreprises comme "Circle", émettrice de la monnaie "USDC", peuvent partager leurs revenus avec des plateformes d'échange comme "Coinbase", qui, à leur tour, versent des "récompenses" aux utilisateurs.

Bien que ces paiements ne soient pas officiellement qualifiés de rendements, les banques y voient une érosion directe du but fondamental de la législation et exercent des pressions pour fermer cette faille.

L'inquiétude ne se limite pas à la question des rendements, car en octobre, Christopher Waller - membre de la Réserve fédérale et potentiel candidat à sa présidence - a semé la panique parmi les cercles bancaires en suggérant la possibilité de donner à davantage d'entreprises un accès direct aux systèmes de paiement de la banque centrale.

Bien qu'il ait ensuite pris ses distances, affirmant que cela resterait conditionné à l'obtention d'une licence bancaire, le signal a été suffisant pour susciter l'inquiétude.

Les banques ont déjà perdu une partie de leurs rôles centraux dans le prêt et l'intermédiation au profit du crédit privé et des teneurs de marché en dehors du système bancaire.

Invasion du système bancaire

L' Economiste souligne que le tournant le plus important a eu lieu le 12 décembre lorsque le régulateur bancaire américain a accepté de délivrer des licences de "banques de crédit nationales" à cinq entreprises financières numériques, dont "Circle" et "Ripple".

Bien que ces licences n'autorisent pas la réception de dépôts ou l'octroi de prêts, elles permettent à ces entreprises d'offrir des services de conservation à l'échelle nationale, au lieu de s'appuyer sur des licences éparpillées par états.

Le journal affirme que les banques ont exercé une pression forte pour empêcher l'octroi de ces licences, mais ont échoué. Selon L' Economiste, chaque étape de ces développements peut sembler limitée si elle est considérée isolément, mais "lorsqu'elle est mise ensemble, elles constituent une menace sérieuse pour les banques traditionnelles".

Il ajoute que les banques ont déjà perdu une partie de leurs rôles centraux dans le prêt et l'intermédiation au profit du crédit privé et des teneurs de marché en dehors du système bancaire, et qu'elles "ne sont pas prêtes à perdre davantage".

La baisse de l'influence politique des banques

L' Economiste estime que le cœur du problème ne réside pas seulement dans la réglementation, mais aussi dans la politique. L'industrie des cryptomonnaies considère que le traitement préférentiel des banques crée un terrain inégal et nuit à la concurrence. Bien que cet argument ait du mérite en principe, le journal décrit l'octroi de "récompenses" au lieu de rendements comme un "escroc flagrant des règles".

Le plus inquiétant, selon L' Economiste, est que les législateurs qui ont interdit les rendements il y a quelques mois ne sont pas intervenus pour stopper ces pratiques, ce qui dévoile "la perte aiguë d'influence politique des banques".

Les banques ne sont plus le cercle financier le plus important au sein du parti républicain, ayant trouvé une forte prise dans les nouveaux courants de droite anti-élites.

Le contournement réglementaire reflète la rapidité avec laquelle l'industrie de la cryptomonnaie s'adapte aux restrictions légales (Reuters)

Le journal souligne que les comités d'action politique de l'industrie des cryptomonnaies détiennent "des centaines de millions de dollars" prêts à être dépensés pour les élections de mi-mandat de 2026, ce qui renforce sa capacité d'influence.

En conséquence, il n'est plus certain qu'un conflit entre les intérêts des banques et ceux de cette industrie se termine en faveur des banques.

Les banques ne sont plus le cercle financier le plus important au sein du parti républicain, ayant trouvé une forte prise dans les nouveaux courants de droite anti-élites.

La contradiction de la dépendance aux démocrates

Dans une remarquable paradoxe, L' Economiste note que les banquiers, qui en ont assez de la rigueur de l'administration Biden, se retrouvent aujourd'hui dépendants d'un groupe de sénateurs démocrates inquiets du "paiement déguisé" des rendements des stablecoins et des risques de blanchiment d'argent.

Ainsi, les plus grandes banques américaines se retrouvent dans leur bataille contre l'octroi de licences bancaires aux entreprises de cryptomonnaies, alliées à des syndicats et à des think tanks de centre-gauche, un tableau que le journal résume avec ironie : "tout comme Gandhi n'a pas prononcé la première citation, il n'a pas non plus dit : l'ennemi de mon ennemi est mon ami".

Source : L' Economiste