Pourquoi l'économie du Maroc ne crée-t-elle pas suffisamment d'emplois ?
SadaNews - Malgré les taux de croissance atteints par l'économie marocaine, la création d'emplois suffisants pour absorber le chômage, notamment parmi les jeunes, reste un défi majeur.
Les chiffres reflètent clairement cette contradiction : au cours des deux premiers trimestres de l'année, le royaume a enregistré une croissance de 4,8 % et 5,5 % respectivement, ce qui constitue le rythme le plus rapide depuis 2021. Cependant, le taux de chômage a atteint 12,8 % à la fin du deuxième trimestre, après l'ajout de seulement cinq mille postes sur le marché du travail, contre 282 mille nouveaux emplois au premier trimestre. Cette disparité montre que la croissance économique ne se traduit pas suffisamment par la création d'emplois.
Les emplois dans l'économie du royaume se concentrent dans des secteurs fragiles comme l'agriculture, les services et la construction, où la saisonnalité de l'emploi et la faible productivité prédominent, tandis que la contribution des industries avancées et des technologies numériques reste faible malgré leur potentiel à générer des emplois de haute qualité.
Les raisons de la faiblesse du marché du travail au Maroc
Un rapport publié ce mois-ci par l'Institut royal des études stratégiques attribue la capacité limitée de la croissance à créer des emplois à un manque de diversification économique, à la dépendance de l'activité agricole vis-à-vis des pluies, et à l'absence de lien entre l'éducation et le marché du travail. L'institut, établi par un dahir royal en 2007, se consacre à l'étude des questions stratégiques dans le pays.
La question du chômage, en particulier parmi les jeunes diplômés, a été l'un des principaux slogans portés par le mouvement "Génération Z" lors des manifestations de septembre dernier, les premières du genre depuis une décennie. Ce mouvement a poussé le gouvernement à augmenter le nombre de postes gouvernementaux de 27 % pour atteindre 36 895 dans le projet de budget 2026.
Diminution de l'efficacité de la croissance dans la création d'emplois
Chaque point de croissance du PIB générait environ 30 mille emplois au cours de la première décennie de ce siècle, mais il n'en génère aujourd'hui que la moitié, selon le rapport de l'institut royal qui a analysé les données du marché du travail depuis plus de deux décennies.
Cette diminution est attribuée à un faible degré de diversification économique, et à la domination des secteurs à faible valeur ajoutée concernant les postes disponibles dans l'agriculture et les services, selon le rapport. Quant aux secteurs industriels prometteurs comme l'automobile et l'aéronautique, leur contribution à l'emploi reste limitée malgré leur croissance rapide.
Youssef Karoui, chercheur en économie et président du Centre marocain de gouvernance et de gestion, souligne que "la faiblesse de la création d'emplois de manière adéquate est due à une dépendance insuffisante à la valeur ajoutée industrielle et non agricole, avec une concentration sur le secteur agricole qui est affecté par la sécheresse".
Avant 2019, le taux de chômage au Maroc était en dessous de 10 %, mais il a ensuite continué à augmenter en raison de la pandémie de Covid-19, revenant aux niveaux enregistrés au début de ce siècle.
Le taux de chômage parmi les jeunes (15 à 24 ans) s'élevait à environ 35,8 % à la fin du deuxième trimestre de cette année, selon les données du Haut-Commissariat au Plan, qui est l'organisme gouvernemental de statistiques. Bien que le taux soit légèrement inférieur par rapport au premier trimestre, il reste élevé par rapport au niveau de 22,9 % d'il y a six ans.
Dépendance au secteur agricole affecté par le climat
Le Maroc a souffert de six années de sécheresse qui ont considérablement affecté l'agriculture, le plus grand employeur du pays, contribuant à environ 14 % du produit intérieur brut. Le secteur est dominé par de petites exploitations agricoles dont la plupart ne dépassent pas un hectare, ajoutant à cela la faible utilisation des engrais, de l'irrigation et de l'analyse des sols, ainsi que la dépendance à des cultures à rendement élevé.
Karoui a déclaré que le Maroc accueille chaque année 400 mille nouveaux entrants sur le marché de l'emploi et "cela nécessite la création de davantage de postes de travail grâce à des taux de croissance élevés". Il a noté que "ce défi peut être relevé en réalisant la compétitivité économique en soutenant les petites et moyennes entreprises afin d'augmenter la productivité et de créer des emplois, car ces entreprises représentent le pilier de l'économie".
Le pays devrait atteindre cette année une croissance de 4,4 %, la deuxième meilleure dans la région du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, selon les dernières prévisions du Fonds monétaire international, tandis que le gouvernement espère atteindre 4,8 %, ce qui serait le plus élevé depuis 2021.
Karoui a également souligné un autre facteur derrière le déséquilibre entre la croissance et l'emploi, lié à une inadéquation entre l'éducation et la formation et les besoins du marché de l'emploi, en disant : "Nous avons des taux de chômage élevés mais il y a une demande pour une main-d'œuvre plus qualifiée dans des industries de précision et avancées, cela signifie une offre qui ne répond pas à la demande". Ce point a été mentionné par l'institut royal dans son rapport.
Karoui a indiqué que le chômage au Royaume pourrait être réduit à 7 % grâce à une politique d'emploi claire prenant en compte tous les points de faiblesse actuels.
Le Maroc vise à ramener le chômage à 9 % d'ici 2030
Après avoir atteint un niveau de chômage au plus haut depuis 2001 ces deux dernières années, le gouvernement a lancé en février dernier un plan visant à ajouter 1,45 million d'emplois d'ici la fin de cette décennie, permettant ainsi de réduire le chômage à 9 %.
Le plan gouvernemental a lié l'atteinte de cet objectif à des conditions favorables dans le secteur agricole. Ce plan comprend des initiatives pour encourager la création d'emplois, parmi lesquelles le soutien aux petites et moyennes entreprises à travers un système de soutien pour les projets d'investissement allant de un million à 50 millions de dirhams, et la facilitation de leur participation aux marchés publics et à l'exportation.
En plus du secteur agricole, les principaux emplois disponibles au Maroc se trouvent dans le secteur des services, mais celui-ci est un foyer du secteur informel, selon le rapport de l'institut royal des études stratégiques. La Banque centrale du Maroc a évalué la taille de l'"économie informelle" à environ 30 % du produit intérieur brut, et a averti dans un rapport précédent que les travailleurs de ce secteur souffrent d'un manque de protection sociale, tandis que diverses activités y sont caractérisées par une faible productivité.
L'institut royal a rappelé qu'en dépit des taux de croissance, l'activité économique se concentre dans les grandes villes côtières, ce qui accroît les disparités entre celles-ci et les villes moyennes et petites, où les zones intérieures bénéficient moins des investissements et des opportunités d'emploi.
Défis futurs pour le Maroc
À l'avenir, le Maroc fait face à des défis qui compliqueront encore plus la problématique du chômage, principalement le vieillissement, car il est prévu que le facteur démographique soit clos en 2038, une période dans le développement de la société où les personnes en âge de travailler seront plus nombreuses que les personnes à charge, selon le Haut-Commissariat au Plan, l'organisme gouvernemental dédié aux statistiques.
Le vieillissement affecte la consommation, l'épargne et les dépenses de soins de santé et de retraite, ainsi qu'offre et demande sur le marché du travail, ce qui signifie une incidence sur la production économique en général. Des prévisions officielles indiquent que la proportion de la population âgée de plus de 60 ans atteindra 23,2 % d'ici 2050, contre 12,7 % en 2023.
En plus de ce qui précède, le Maroc fait face au défi des effets des changements climatiques, le pays étant considéré comme encore plus exposé à ces risques à travers la montée des températures et des sécheresses, ainsi que des inondations, ce qui affecte l'homme et la terre, sans oublier l'impact de l'intelligence artificielle sur les modes de production dans plusieurs secteurs économiques, nécessitant une adaptation continue aux méthodes de production.
Pour faire face à ces défis, l'institut royal recommande de réorienter les investissements vers des secteurs à forte valeur ajoutée, de soutenir les très petites et petites entreprises, ainsi que de renforcer les politiques éducatives et de formation professionnelle en les liant au marché de l'emploi, d'accroître la participation des femmes et des jeunes, ainsi que des réformes institutionnelles réduisant la taille de l'économie informelle et garantissant les conditions de protection sociale.
Le succès dans cette démarche permettra au Maroc non seulement d'atteindre des taux de croissance élevés, mais aussi d'assurer une croissance économique "riche en emploi" qui favorisera l'inclusion sociale et garantira un marché du travail durable, selon l'institut.
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