La transformation numérique à la lumière des objectifs de la charia islamique: une vision légale et développementale renforcée par l'expérience de la Banque islamique palestinienne
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La transformation numérique à la lumière des objectifs de la charia islamique: une vision légale et développementale renforcée par l'expérience de la Banque islamique palestinienne

*Président de l'Autorité de surveillance légale de la Banque islamique palestinienne

Introduction générale
Il est bien connu que la charia islamique n'est pas venue pour restreindre le mouvement de la vie ou entraver l'élan du progrès, mais pour être un guide pour tout effort humain visant à la construction et à l'intérêt général. C'est une loi d'origine divine, à visée humaine, de portée universelle, flexible dans ses moyens et rigoureuse dans ses objectifs. Elle se distingue par sa capacité à absorber les nouveautés et les changements au fil des âges, grâce à ses outils d'interprétation et ses règles fondamentales. Parmi ces outils, on trouve ce que l'on appelle les "māṣāliḥ mursala", qui représentent une voie reconnue pour adapter nombre d'innovations contemporaines dans le cadre de la charia, à condition qu'elles réalisent un intérêt légitime sans contredire un texte définitif.

À la lumière de ces principes globaux, il est pertinent de parler de la transformation numérique, qui représente une des caractéristiques les plus marquantes de l'époque moderne, un moyen efficace pour améliorer l'administration et l'économie, et un vaste domaine pour réinventer les processus institutionnels au service de l'homme et pour réaliser justice, efficacité et qualité. La question qui se pose ici est la suivante : comment la charia perçoit-elle cette transformation ? Ce développement technique accéléré est-il en contradiction avec les dispositions de la charia, ou peut-il être intégré dans ses objectifs ? Comment les institutions islamiques, en particulier les banques, peuvent-elles accompagner cette transformation de manière ordonnée tout en tenant compte des spécificités légales ? C'est ce que nous tenterons d'aborder dans cet article, en éclairant une expérience pionnière dans ce domaine, celle de la Banque islamique palestinienne.

La transformation numérique comme un intérêt légitime
La transformation numérique est une expression contemporaine du processus de reconstruction et de développement des systèmes et des processus à l'aide des moyens numériques, visant à accroître l'efficacité, améliorer la qualité, réduire les coûts et augmenter la transparence. Elle entre dans ce que les érudits appellent les "māṣāliḥ mursala", c'est-à-dire des intérêts pour lesquels il n'existe pas de texte précis, mais qui réalisent un avantage certain sans s'opposer aux principes de la charia. En principe, ce qui n'est pas spécifié demeure dans son état initial et est permis tant qu'il ne comporte pas de préjudice significatif.

La majorité des savants a confirmé ce principe, comme l'a dit Allah, le Très-Haut : ﴿C'est lui qui a créé pour vous tout ce qui est sur terre﴾, ce qui montre clairement que tout ce qui est sur terre est au service de l'intérêt de l'homme. De même, Allah a dit : ﴿Et il vous a expliqué ce qu'il a interdit﴾, ce qui indique que ce qui n'est pas explicitement interdit reste dans le domaine de la permission. Par conséquent, l'adoption des moyens numériques pour gérer les institutions et fournir des services entre dans ce cadre tant qu'elle est exempte d'infractions légales. Cela peut même atteindre le niveau de nécessité si la satisfaction des intérêts des personnes en dépend.

La concordance de la transformation numérique avec les objectifs de la charia islamique
Les savants des objectifs de la charia ont établi que celle-ci est venue pour réaliser des intérêts et prévenir des maux, établir la justice, préserver les droits, et organiser la vie sur des bases de facilité et de miséricorde. Si l'on examine la transformation numérique à travers ce prisme, on constate qu'elle aide à réaliser plusieurs des grands objectifs de la charia, notamment réduire les difficultés, réaliser la facilité, réglementer les transactions, protéger les biens, et élargir le champ de la justice sociale. La numérisation facilite l'accès des gens à leurs droits, réduit les interventions humaines qui pourraient entraîner de la corruption ou de la manipulation, et permet une documentation précise qui constitue le cœur de la justice.

De plus, la transformation numérique renforce la protection de l'argent, qui est l'une des cinq nécessités que la charia est venue protéger, en réduisant le gaspillage, augmentant l'efficacité, et assurant la transparence dans les transactions, soutenant ainsi la position de la loi en considérant la numérisation comme un moyen légitime et même louable.

La transformation numérique entre la permission et la nécessité
Auparavant, la transformation numérique était considérée comme un choix ou un luxe administratif. Aujourd'hui, elle est devenue une nécessité stratégique qu'on ne peut ignorer face aux changements de l'époque. Les expériences mondiales ont montré que les institutions qui ont tardé à suivre le rythme de la numérisation ont subi un recul de leur performance, de leur efficacité et de la confiance du public. Avec l'émergence de crises telles que la pandémie de coronavirus, il est devenu évident que la numérisation n'est pas un luxe, mais un moyen de garantir la continuité des services et de préserver les intérêts publics. Ainsi, le jugement légal pourrait évoluer de la permission à la recommandation, voire à l'obligation si cela concerne des intérêts publics qui ne peuvent être atteints que par ce moyen.

Les effets pratiques de la transformation numérique sur les institutions et la société
Au niveau des institutions, la transformation numérique a ouvert de grandes opportunités pour développer les infrastructures administratives, accélérer l'achèvement des transactions, faciliter la communication entre les départements, garantir une gouvernance saine, et réduire la dépendance au papier, tout en assurant la conservation, l'exactitude et la récupération des données à tout moment. Elle a également contribué à renforcer la confiance du public en raison de la clarté des procédures, de la rapidité des réponses et de la documentation des transactions.

En ce qui concerne les employés, elle a aidé à clarifier les tâches et les responsabilités, à motiver le personnel à innover, à faciliter la communication entre les différents niveaux administratifs, et à développer les compétences techniques qui sont devenues indispensables. Au niveau de la société, la transformation numérique a conduit à un accès plus rapide et plus efficace aux services, à une augmentation de la transparence, à l'élargissement de la participation sociale, et à la possibilité pour les citoyens d'interagir avec les institutions via des canaux électroniques fiables.

L'expérience de la Banque islamique palestinienne comme exemple pratique pionnier
La Banque islamique palestinienne représente un modèle avancé dans l'application de la transformation numérique dans le secteur bancaire selon une vision légale équilibrée. La banque a travaillé à développer ses services et produits tout en respectant les conditions juridiques d'une part et en suivant les changements technologiques d'autre part. Cela se manifeste à travers une série de produits bancaires numériques conçus avec soin, comme la "Carte de facilité" qui repose sur la vente de bénéfices, permettant au client de profiter d'un ensemble de services bancaires et d'avantages exclusifs dans des limites juridiques claires, sans imposer aucun intérêt ni frais de retard, mais en échelonnant les montants dus d'une manière conforme aux règles islamiques.

La banque a également lancé une série de cartes de crédit qui fonctionnent selon un mode unique, combinant le financement par la vente et la location des bénéfices, où toutes les étapes de vente et d'achat se font électroniquement, en introduisant le code secret par le client, qui est considéré comme une offre, et l'acceptation de la banque se fait par un avis électronique documenté, réalisant ainsi l'une des conditions les plus importantes du contrat. La banque a veillé à s'engager à ne pas imposer de pénalités de retard, et à fournir des informations précises avant l'achat, ce qui fait de ces produits un modèle en matière de discipline légale et de souplesse technique.

Il convient de noter que la Banque islamique palestinienne a été précurseur dans le renforcement de la cybersécurité, adoptant des solutions de protection avancées pour garantir la sécurité des données des clients. Elle accorde également une grande importance à la conformité légale par le biais d'une coordination continue avec l'Autorité de surveillance légale, tout en mettant à jour les produits pour garantir leur approprié pour le contexte numérique et la réalité bancaire.

Faire face aux défis numériques dans le cadre de la charia
Malgré les avantages évidents de la transformation numérique, certains défis et craintes persistent, tels que la peur des cyberintrusions, ou de la violation de la vie privée des données, ou le retard dans le développement d'alternatives juridiques suffisantes. Cependant, ces défis sont traitables s'il existe une volonté institutionnelle, une surveillance légale et technique, en améliorant l'efficacité de la cybersécurité, en adoptant des législations protégeant les droits des utilisateurs, et en cultivate une prise de conscience générale d'une culture d'utilisation sécurisée. Il est également possible de tirer parti de ces défis pour développer des solutions financières islamiques innovantes répondant aux besoins émergents sans violer les dispositions de la charia.

Équilibrer les intérêts et les maux selon les règles juridiques
Les juristes ont décidé que prévenir les maux doit primer sur la promotion des intérêts, mais à condition que le mal soit significatif ou égal à l'intérêt, tandis que si l'intérêt est significatif et le mal est potentiel ou léger, alors promouvoir l'intérêt est la norme. Cela s'applique à la transformation numérique, où l'intérêt se manifeste clairement dans la facilitation de la vie des gens, la simplification de leurs transactions et le renforcement de l'intégrité des institutions, tandis que les maux craints peuvent être contrôlés et réduits sans annuler le fondement de la légalité. Cela est confirmé par ce qu'a établi l'imam al-Aziz ibn Abd al-Salam, à savoir que si un intérêt est prédominant, il est reconnu même s'il entraîne un léger mal, et qu'un mal prédominant doit être évité même si cela entraîne l'échec d'un intérêt.

Conclusion et recommandations
La transformation numérique, avec les opportunités de développement qu'elle offre, représente aujourd'hui un pilier essentiel pour réaliser les objectifs de la charia en matière de justice et d'aisance, de protection des biens et de réglementation des transactions.Elle n'est pas en contradiction avec la charia, mais plutôt en harmonie avec elle, tant que les normes sont respectées et que les conditions sont réunies. L'expérience de la Banque islamique palestinienne est un modèle à suivre dans ce domaine, montrant qu'il est possible de concilier innovation technique et conformité légale, ce qui prouve que la numérisation n'est pas réservée aux institutions traditionnelles, mais peut être un symbole d'excellence dans l'action islamique contemporaine. Par conséquent, la recommandation la plus importante est de promouvoir la numérisation dans les institutions islamiques selon les normes de la charia, de consacrer suffisamment de ressources à la cybersécurité, de favoriser la recherche légale dans l'adaptation des produits numériques, et d'élever le niveau des services à la hauteur de la confiance de la société et pour réaliser les grands objectifs de cette charia éternelle.

Cet article exprime l'opinion de son auteur et ne reflète pas nécessairement l'opinion de l'Agence de Presse Sada.