Le Jeu de Calmar à Gaza : sur l'aide humanitaire, l'ingénierie de l'obéissance et la mort
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Le Jeu de Calmar à Gaza : sur l'aide humanitaire, l'ingénierie de l'obéissance et la mort

Dans un tableau qui dépasse l'imaginaire, des milliers de Palestiniens se rassemblent chaque matin sur les lieux de distribution d'aide humanitaire dans la bande de Gaza, non seulement à la recherche de survie, mais aussi d'un miracle qui leur permettrait d'échapper aux balles prévisibles. Ce qui semble être une organisation d'aide humanitaire par la "Gaza Humanitarian Foundation" (GHF) avec le soutien américain et israélien, se révèle être un théâtre de l'horreur, selon les témoignages sur le terrain et les rapports fiables. Les forces israéliennes, selon les documents, reçoivent des instructions pour ouvrir le feu sur les Palestiniens même en l'absence de toute menace, dans le but de les éloigner des lieux avant l'ouverture des points de distribution ou de les disperser après l'épuisement des rations. Le mois de juin 2025 a seulement enregistré la mort de 549 Palestiniens et plus de 4000 autres blessés dans les environs des points de distribution d'aide. Ces statistiques ne témoignent pas d'un "dérapage" sécuritaire ou d'un dysfonctionnement organisationnel, mais révèlent une structure systémique utilisant l'aide comme couverture pour des formes avancées de meurtre organisé.

"Le Jeu de Calmar" comme modèle explicatif

Avec la sortie de la troisième saison de la célèbre série coréenne "Le Jeu de Calmar" (Squid Game), qui a choqué le monde en révélant la fragilité de la dignité humaine sous la pression de la pauvreté et du jeu organisé sur l'instinct de survie, et le sadisme des spectateurs face au sang, la réalité à Gaza devient encore plus sévère, où cette imagination sanguinaire se transforme en une politique quotidienne exercée sur les corps des civils. La comparaison ici n’est plus métaphorique, mais se transforme en une description littérale des techniques de contrôle, des tests d'obéissance et de la violence systémique qui se cache derrière le masque de l'aide humanitaire, observée par les politiciens du monde avec l'excitation de la poudre et du sang.

Dans les lieux de distribution d'aide à Gaza, des termes tels que "humanité", "justice" ou "égalité" ne trouvent plus de place devant les files d'attente s'étendant devant les camions internationaux, qui expriment non seulement une faim physique, mais aussi une nouvelle ingénierie du pouvoir basée sur la sélection, l'humiliation et la mise en péril de la vie pour un carton de nourriture. Le civil à Gaza ne reçoit pas l'aide sur la base du principe d'égalité, mais est poussé dans un jeu cruel : celui qui arrive le premier, paye plus, et prend des risques, peut obtenir de la farine ou de l'eau. En revanche, celui qui arrive en retard peut sortir de la vie, pas seulement de la queue.

Les vidéos circulant de Gaza autour des points de distribution de l'aide montrent que les soldats israéliens reçoivent des ordres de tirer sur ceux qui dépassent les horaires fixés pour recevoir l'aide ; la meilleure description de ce qui se passe pourrait être celle d'une "réalité du Jeu de Calmar", où les Palestiniens sont surveillés par des drones, et où toute mouvement suspect est abattu, même s'il s'agit d'un enfant cherchant à attraper un sac de pain, ou portant un sac de farine dans les ruelles de sa ville détruite.

Comme dans le jeu du "rouge - vert" de la série, le Palestinien dans la zone d'aide se déplace selon des ordres peu clairs, et toute erreur – comme avancer d'un pas hors de la file d'attente ou essayer de se précipiter vers l'aide – pourrait signifier une balle directement dans la tête ou la poitrine. Les soldats participants décrivent eux-mêmes cette situation comme un théâtre de meurtres quotidien, selon une enquête du Haaretz, avec des termes opérationnels tels que "tirer des balles mortelles d'avertissement" et "traiter l'intrusion alimentaire comme une menace tactique".

Gaza est devenue un champ de test pour un nouveau modèle mondial de gestion des populations sous blocus : aide conditionnée, surveillance militaire, assujettissement technologique, et neutralisation de la dignité. C'est une version sanglante du Jeu de Calmar, sans acteurs, mais avec de vraies victimes. La survie n'est pas réservée aux créatifs ou aux talentueux, mais à ceux qui peuvent échapper à la prochaine roquette, ou recevoir une boîte au bon moment, sans être tués pour avoir avancé d'un pas de trop. Ainsi, l'aide se transforme en outils de contrôle, la faim devient un moyen de guerre, et survivre devient un acte de résistance en soi.

Sur la puissance et la violence

Cette scène redéfinit la relation entre "le pouvoir", quel qu'il soit, en tant qu’entité exerçant de la violence, et "l'individu" en tant que cible de cette violence, transcendant la violence militaire pour inclure la violence symbolique, comme l'analyse de Pierre Bourdieu nous l'indique, où l'emprise s'exerce non seulement par le bombardement et le meurtre, mais aussi par la fabrication de la perception des gens d'eux-mêmes en tant que chiffres ou êtres sacrifiables.

En même temps, les événements à Gaza rappellent les concepts de Michel Foucault sur la "biopolitique", car la vie des Palestiniens est gérée à travers des indicateurs de consommation alimentaire, des niveaux d'obéissance et la soumission à des horaires extérieurs contrôlés par l'occupation, comme s'ils étaient dans un grand laboratoire expérimental, où les Palestiniens de Gaza passent d'un scénario expérimental à un autre selon les décisions prises par ceux qui contrôlent à Tel-Aviv et Washington.

Ce modèle peut être compris d'un point de vue sécuritaire comme un comportement appliqué de la "stratégie de terreur contrôlée", où la violence est utilisée pour contrôler les foules, et non pour dissuader les ennemis. Les soldats ont reçu des instructions graduelles : d'abord tirer en l'air, puis sur les jambes, puis sur la partie supérieure du corps si "les foules dépassent la limite fixée". Le problème est que cette "limite" n'est pas définie, ce qui fait de chaque civil une cible.

Psychologiquement, les habitants de Gaza vivent semblablement à un trouble de stress post-traumatique collectif ; la vue du pain est associée à la terreur, et se rendre aux points d'aide est devenu une expérience expérimentale de la mort. De nombreuses familles évitent même de sortir complètement pour éviter ce spectacle. Ce schéma psychologique ressemble beaucoup à ce qui a été observé dans les cas de prisonniers ou de réfugiés dans les camps de guerre en Bosnie et en Syrie, où la peur du système devient un élément central de la vie quotidienne.

Entre production, soin et complicité

Ce qui assombrit encore plus le tableau est le rôle des acteurs internationaux, en tête desquels les États-Unis, qui fournissent l'aide alimentaire d'une main et arment l'occupation de l'autre. Les "aides" américaines sont parfois présentées comme un couvert politique pour échapper à la responsabilité morale, et sont utilisées comme moyen de contrôle sur les dynamiques de mouvement et d'influence locales à travers des milices ou des mandataires. C'est un outil qui redessine le tableau du conflit selon les nouvelles règles du jeu, où le prix à payer est un simple carton de nourriture contenant la ration du jour ; à condition de se plier aux ordres ; et si les Palestiniens ne s'y conforment pas, ils subissent une peine de mort publique par des tirs de snipers postés autour de la zone d'aide, ou par des chars d'occupation.

Exactement comme dans Le Jeu de Calmar, où l'espoir de vivre est offert à travers des mécanismes de soumission plutôt que de mérité, et où les pauvres sont poussés à rivaliser et à tuer pour survivre. Cela conduit à reposer des questions fondamentales sur l'éthique de l'action humanitaire. Il n'y a pas de sens à distribuer de la farine si les avions financés par la même entité qui envoie la farine sont ceux qui surveillent les civils et tirent sur eux. Les conférences humanitaires n'ont aucune valeur si elles restent muettes sur le blocus, justifient le bombardement, ou transforment les civils en simples éléments dans une équation statistique qui rapproche la quantité d'aide qui entre de la quantité de cadavres qui sortent, tout cela sous le silence des témoins et les spéculations ou paris des politiciens et militaires.

Ce qui est le plus dangereux dans ce qui se passe à Gaza, c'est qu'il n'est plus classé comme un "échec humanitaire", mais est devenu un système d'ingénierie de domination, où l’aide est utilisée comme une arme, et les gens en sont privés ou sont bombardés en route pour y parvenir. Avec ce modèle qui se poursuit, un nouveau mécanisme de guerre se consolide : une guerre sans combat, mais avec des morts ; une guerre où la faim devient un piège, l'aide une balle, et la mort n'est pas une exception, mais fait partie du design.

Cet article exprime l'opinion de son auteur et ne reflète pas nécessairement l'opinion de l'Agence de Presse Sada.