Lancement d'un musée virtuel à Damas documentant la mémoire des prisons en Syrie
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Lancement d'un musée virtuel à Damas documentant la mémoire des prisons en Syrie

SadaNews - Un musée virtuel a été lancé au musée national de Damas, documentant les prisons en Syrie et ce que les détenus ont subi pendant la période du régime de la famille Assad, à travers des images, des témoignages et des techniques en trois dimensions, dans une démarche symbolique pour préserver la mémoire collective et soutenir le processus de justice transitionnelle.

Le fondateur du projet, Amer Matar, a déclaré en marge de la cérémonie de lancement : "Le musée vise à préserver la mémoire noire de la Syrie liée à la violence, au meurtre et aux prisons, et la plupart des Syriens ont vécu, eux ou l’un de leurs proches, l'expérience de l'arrestation".

Le projet, préparé par un groupe de journalistes et de cinéastes de "l'institution médiatique de la rue", présente des documentations sur le terrain et des témoignages de survivants et de familles de disparus, ainsi qu'un archivage numérique qui reconstruit des scènes à l'intérieur des prisons.

Selon les estimations de l'Observatoire syrien des droits de l'homme, plus de deux millions de Syriens ont vécu l'expérience de la prison sous le régime de la famille Assad, dont la moitié après le début des manifestations pacifiques en 2011, qui ont été réprimées brutalement par les autorités et ont constitué l'étincelle du conflit dans le pays.

Plus de 200 000 personnes ont perdu la vie dans les prisons, parmi lesquelles des exécutés, tandis que d'autres sont mortes sous la torture, d'après l'observatoire.

Le projet a été lancé en 2017 pour documenter les prisons de l'État islamique. Depuis le renversement du régime de Bashar Al-Assad en décembre dernier, les responsables du projet se sont empressés de transférer cette expérience pour documenter les prisons du régime syrien, en collaboration avec des organisations syriennes et internationales spécialisées dans les affaires des disparus et de la justice criminelle.

Matar a expliqué à l'Agence France-Presse : "Nous craignions que ces prisons soient détruites avant d'être documentées, et jusqu'à présent, nous avons pu entrer dans 70 prisons".

Le musée propose des visites virtuelles en trois dimensions à l'intérieur des prisons documentées, des témoignages d'anciens détenus sur leurs expériences vécues, ainsi que des études, des recherches et des enquêtes liées à la question des prisons et des centres de détention.

Selon les organisateurs, le musée vise à "honnorer les victimes, élever la voix des survivants et préparer des dossiers de preuves pour poursuivre les coupables et réaliser la justice".

Matar a ajouté : "Le musée tente de construire un archive numérique vivant".

La Syrie, sous les présidences de Hafez et Bashar Al-Assad, a connu un réseau vaste de prisons et de lieux de détention qui sont devenus un symbole de répression, le plus notoire étant la prison de Saydnaya au nord de Damas, qualifiée par des organisations de droits humains de "boucherie humaine" en raison des tortures et exécutions qui y ont été documentées. Ces prisons ont pendant des décennies constitué un outil pour intimider les opposants et faire taire toute voix dissidente.

En mai 2025, deux décrets présidentiels ont créé l'Autorité nationale des disparus et l'Autorité nationale de justice transitionnelle pour enquêter sur le sort des disparus et documenter les violations, dans une démarche qualifiée de préliminaire, mais jugée insuffisante pour répondre aux exigences des familles des victimes et des organisations de défense des droits.

Malgré la création de ces entités, des activistes civils et des défenseurs des droits estiment que le chemin vers la justice transitionnelle en Syrie est encore long, face aux défis liés à l'élargissement de la responsabilité à toutes les parties du conflit, à l'assurance de l'indépendance des enquêtes, à la sécurisation des preuves et à la protection des témoins. Des organisations internationales considèrent que la responsabilité effective pour les violations à grande échelle nécessite des années de travail et un large soutien international.

Source : française