
Après deux ans de guerre au Soudan... Difficulté à retrouver le sort des artefacts pillés
SadaNews - Majestueux et unique, la statue massive du roi Taharqa, qui a régné sur le royaume de Koush pendant plus de deux décennies, se dresse seule dans la cour du musée national du Soudan à Khartoum. Elle n'est plus entourée de visiteurs admirateurs ou de chercheurs contemplatifs, mais de débris d'autres statues et de verres de vitrines brisées, dans une scène qui raconte en silence la tragédie d'une patrie entière. Deux ans après l'annonce officielle du pillage du musée, la recherche est toujours en cours pour retrouver des dizaines de milliers d'artefacts disparus dans l'obscurité de la guerre, dont certains ont commencé à apparaître de manière sporadique dans des pays voisins comme l'Égypte, le Tchad et le Soudan du Sud.
Rawda Idris, représentante du parquet soudanais au sein de la Commission de protection des musées et des sites archéologiques, résume l’ampleur de la catastrophe par des mots douloureux : "Les seules pièces du musée national qui ont survécu sont les grandes ou lourdes qui sont difficiles à emporter".
À l'entrée du musée, le jardin qui abritait autrefois des arbres rares et un modèle réduit du Nil s'est transformé en une cour stérile remplie d'herbe sèche, gardée par des statues silencieuses des dieux de la guerre koushites, tandis que le plafond porte les marques de projectiles traîtres. Hatem Nour, ancien directeur de l'organisme des antiquités et des musées, décrit l'héritage perdu en disant à l'AFP que le musée national "abritait plus de 500 000 pièces couvrant une période très vaste qui a formé l'histoire profonde de la personnalité soudanaise".
En mars dernier, les employés du secteur des antiquités ont foulé le sol du musée pour la première fois en deux ans, après que l'armée a repris le contrôle du centre de la capitale. Le choc dépassait toute imagination, car ils ont été surpris par l'ampleur de la destruction qui a touché des expositions inestimables. La catastrophe majeure était la "chambre d'or" qui contenait, selon Ikhlas Abdel-Latif, directrice des musées à l'Autorité des antiquités soudanaises, "des objets inestimables... des pièces en or pur de 24 carats, dont certaines datent d'environ 8 000 ans".
Abdel-Latif, qui préside également l'unité de suivi des antiquités volées, confirme que cette chambre "a été entièrement pillée". Elle explique que le trésor perdu contenait des bijoux uniques appartenant à des membres des familles régnantes de la civilisation de Koush, ainsi que leurs ustensiles dorés et des statues ornées de métaux précieux. Ce sont les trésors d'une civilisation qui a prospéré en parallèle de la civilisation romaine, ayant choisi les villes de Napata et Méroé dans le nord du Soudan comme capitales, une civilisation qui n'est pas moins riche que l'ancienne civilisation égyptienne, bien qu'elle soit moins célèbre à l'échelle mondiale.
Un crime de guerre face à l'histoire
La guerre a éclaté entre l'armée soudanaise dirigée par Abdel Fattah al-Burhan et les Forces de soutien rapide dirigées par son ancien adjoint Mohamed Hamdan Daglo en avril 2023, divisant le pays et laissant des dizaines de milliers de morts et des millions de déplacés. Dans le cadre de cette tragédie, le gouvernement soudanais a accusé directement les Forces de soutien rapide "de détruire des antiquités et des objets témoignant de la civilisation soudanaise s'étalant sur 7 000 ans", considérant cela comme un "crime de guerre", accusation que les Forces de soutien rapide démentent catégoriquement.
Ikhlas Abdel-Latif avait affirmé en juin 2023 que les Forces de soutien rapide avaient pris le contrôle du musée national. Au début de cette année, elle a révélé aux médias locaux que les objets du musée avaient été transportés par de grands camions à travers Omdurman vers l'ouest du Soudan, puis de là aux frontières du Soudan du Sud.
Ce pillage systématique a conduit l'UNESCO à lancer à la fin de l'année dernière un appel mondial, invitant le public à s'abstenir de commercer des artefacts, soulignant l'importance de ce que contenait le musée en "artefacts importants et statues de grande valeur historique et matérielle".
Une course pour récupérer la mémoire volée
Face à cette destruction, les autorités soudanaises ont engagé une course contre la montre. Une source responsable à l'Autorité des antiquités a confirmé à l'AFP qu'il existe une coopération étroite avec les pays voisins pour surveiller et récupérer les antiquités qui sont trafiquées à travers les frontières. Abdel-Latif souligne que les statues funéraires koushites sont particulièrement très recherchées sur le marché noir car elles sont belles et de petite taille, donc faciles à transporter.
Cependant, le mystère demeure quant au sort des objets les plus précieux. Aucun des objets de la chambre d'or ou des statues funéraires n'est apparu aux enchères publiques ou dans les circuits du marché parallèle jusqu'à présent. Abdel-Latif pense que la majeure partie des échanges se fait en secret et dans des cercles restreints, confirmant que le gouvernement soudanais, en collaboration avec Interpol et l'UNESCO, "surveille tous les marchés".
Interpol a confirmé à l'AFP son engagement dans les efforts pour retrouver les antiquités soudanaises volées, sans dévoiler les détails des opérations en cours. Cependant, les fruits de ces efforts commencent à se faire voir, car Rawda Idris a signalé l'arrestation d'un groupe de personnes dans l'État du Nil bleu au nord du Soudan, "composé d'étrangers et en possession d'artefacts", ajoutant que "les enquêtes sont en cours pour savoir de quel musée ces antiquités sont sorties". Deux sources à l'Autorité des antiquités ont également revelé un fait notable, où un des groupes ayant traversé la frontière vers l'Égypte a contacté Khartoum, proposant de restituer des antiquités volées en échange de paiements.
Destruction à travers la géographie
La tragédie du musée national du Soudan n'était pas un incident isolé. La destruction a touché l'héritage culturel dans toutes les zones de guerre. Idris dit avec chagrin : "Plus de 20 musées au Soudan ont été pillés, à Khartoum, Al-Jazira et Darfour". Elle ajoute : "Nous ignorons toujours l'ampleur des dégâts dans les zones qui n'ont pas encore été libérées". L'Autorité nationale des antiquités et des musées estime les pertes qui ont pu être comptabilisées jusqu'à présent à "110 millions de dollars américains".
À Omdurman, sur la rive opposée du Nil, les murs du musée de Bayt al-Khalifa portent les marques des balles et des obus, tandis que ses objets datant du XVIIIe siècle se sont brisés. Hatem Nour confirme que "le musée Ali Deenar à Al-Fasher a également été détruit, c'est le plus grand musée de la région du Darfour", en plus des musées de Geneina et Nyala dans la même région.
Le musée de Nyala au sud du Darfour a connu des "batailles féroces" dans son voisinage, selon une source locale, ajoutant : "La région est complètement détruite, et personne ne peut y circuler à part les membres des Forces de soutien rapide". Ikhlas Abdel-Latif confirme que le musée est devenu une "caserne" militaire, une image qui résume le sort de l'héritage culturel soudanais en temps de guerre ; la mémoire d'une nation écrasée sous les pieds des combattants.
Source : AFP

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