
10 milliards retenus et une économie étouffée : l'effondrement est-il imminent ?
L'économie palestinienne se trouve confrontée à une crise sans précédent, où les crises financières et politiques s'entrelacent dans un tableau menaçant un effondrement total. Entre des fonds de compensation retenus, une forte baisse de l'aide internationale et des dettes accumulées, l'Autorité palestinienne se retrouve face à un déficit budgétaire croissant, au milieu de questions fondamentales sur l'avenir de l'économie nationale.
Les fonds de compensation – les impôts perçus par Israël au nom de l'Autorité – ont longtemps constitué la principale source de financement des dépenses courantes, couvrant environ 70 % des recettes publiques. Cependant, ces fonds vitaux se sont transformés en un outil de pression entre les mains de l'occupation, retenus ou amputés de montants considérables de manière unilatérale pour des raisons politiques. Selon les données du ministère des Finances, le total des montants amputés depuis 2012 jusqu'au début de 2025 s'élève à environ 20,6 milliards de shekels, soit environ 5,6 milliards de dollars, tandis que les estimations indiquent que les montants actuellement retenus par Israël s'élèvent à environ 10 milliards de shekels, un chiffre énorme qui équivaut à plus de trois fois les recettes locales mensuelles de l'Autorité. Cette réalité place l'Autorité face à un étranglement financier continu, et confirme que la compensation n'est plus une ressource stable, mais une arme politique utilisée pour extorquer financièrement les Palestiniens.
Parallèlement, l'aide internationale a connu une forte baisse. Alors qu'elle avait atteint son pic en 2008 avec plus de 1,3 milliard de dollars, elle a chuté ces dernières années à moins de 500 millions de dollars, et même à moins de 300 millions certains années. Plus important encore, le modèle de soutien a également changé, passant de transferts directs au budget à un financement de projets épars via des institutions internationales, privant ainsi le gouvernement de la marge de manœuvre financière dont il avait besoin pour faire face aux crises.
Dans ce contexte de contraction des ressources, la facture des salaires est devenue le plus grand fardeau interne. Le coût des salaires des employés, des retraités, des allocations pour les prisonniers et les familles de martyrs s'élève à environ 1,05 à 1,1 milliard de shekels par mois, soit l'équivalent de 272 à 300 millions de dollars. Ce chiffre absorbe plus de la moitié des dépenses courantes, rendant l'Autorité incapable de le couvrir entièrement, ce qui l'a poussée à adopter une politique de paiement des salaires partiels, ce qui a eu un impact négatif sur la vie de centaines de milliers de familles palestiniennes.
L'équation devient encore plus difficile lorsque l'on réalise que les recettes fiscales locales ne dépassent pas 450 millions de shekels par mois, soit moins de 40 % de la seule facture des salaires. Cet écart révèle un déséquilibre structurel dans le système financier, et montre que l'économie palestinienne ne dispose pas d'outils de financement autonomes suffisants pour couvrir même les dépenses de base.
Mais la crise ne s'arrête pas là. La dette publique – intérieure et extérieure – a dépassé 10 milliards de dollars, un chiffre qui équivaut presque au total des salaires annuels. Avec l'élargissement du déficit, l'Autorité a eu recours à l'emprunt auprès des banques locales pour couvrir les dépenses, ce qui a affaibli la liquidité sur le marché et a eu un impact négatif sur le secteur privé, aggravant le ralentissement de la croissance économique.
Les résultats étaient évidents sur les marchés : récession commerciale, forte baisse du pouvoir d'achat et forte diminution des investissements locaux et étrangers en raison de l'érosion de la confiance dans la stabilité financière. Le citoyen est celui qui supporte le plus grand fardeau, entre salaires incomplets, coût de la vie élevé et avenir incertain. Avec le début de l'année scolaire, l'employé se retrouve incapable de payer les frais de scolarité des écoles ou des universités pour ses enfants, tandis que son salaire amputé et en retard ne suffit pas à couvrir les besoins essentiels.
Il est illusoire de croire que l'aide internationale peut compenser les fonds de compensation, ou que la compensation est suffisante pour relancer l'économie. L'aide continue de diminuer, et les donateurs ne sont plus disposés à financer un budget alourdi par les salaires et les dettes. Quant à la compensation, elle couvre à peine les dépenses opérationnelles et ne laisse aucune marge pour l'investissement ou la construction d'une économie durable.
Malgré cette réalité, le gouvernement n'a annoncé aucun plan d'urgence véritable qui corresponde à la profondeur de la crise. Se contenter de solutions temporaires, comme le paiement de salaires partiels ou l'emprunt répété, signifie simplement prolonger la durée de la crise sans la résoudre. Il est urgent de prendre des décisions courageuses qui incluent la restructuration des dépenses publiques, la rationalisation des salaires et l'élargissement de la base fiscale en intégrant l'économie informelle et en luttant contre l'évasion fiscale, tout en garantissant une plus grande justice fiscale.
Il est également nécessaire de diriger les ressources vers la construction d'une véritable économie productive, reposant sur des secteurs tels que l'industrie, l'agriculture et la technologie, au lieu de continuer dans un modèle basé sur la consommation et la dépendance extérieure.
En résumé, la crise n'est plus seulement financière, mais existentielle. En sortir nécessite une volonté politique réelle et du courage pour affronter des vérités douloureuses. Soit nous commençons des réformes sérieuses maintenant, soit nous continuons à avancer vers un effondrement qui pourrait devenir une réalité à tout moment.