Le pain… dernières armes de l'occupation
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Le pain… dernières armes de l'occupation


L'arme de la famine n'est plus seulement l'une des conséquences des guerres ou des résultats des sièges, mais elle est devenue dans le cas palestinien un outil clairement annoncé et étudié de l'occupation israélienne pour imposer des équations politiques sur le terrain.

Depuis le déclenchement de l'agression israélienne contre la bande de Gaza le 7 octobre 2023, dans le silence complice du monde, le peuple palestinien est témoin des images les plus atroces d'une guerre systématique contre le droit de vivre, d'abord à Gaza assiégée, puis en Cisjordanie à travers un étranglement économique planifié.

L'histoire moderne a connu de grandes famines, certaines dues à des catastrophes naturelles comme la famine en Russie en 1921, d'autres liées aux guerres comme cela a été le cas lors de la famine du Bengale en 1943, quand des millions de personnes sont mortes non pas par manque de nourriture mais à cause de la hausse des prix et de l'arrêt de la distribution en raison des politiques de l'occupation britannique. Au Soudan et en Somalie, la tragédie s'est répétée à cause des guerres civiles et de la famine des civils comme outil de guerre. Mais dans le cas palestinien, surtout à Gaza, nous faisons face à une évolution grave de cette arme : un siège et une famine intentionnels, par des ordres politiques directs du gouvernement d'occupation, exécutés à travers des outils militaires et économiques, visant à détruire les fondements mêmes de la vie.

À Gaza, l'occupation a imposé un siège complet depuis 2007 et non depuis le début de l'agression en 2023, bloquant l'entrée de la nourriture, de l'eau, des médicaments et du carburant, et a même ciblé les boulangeries, les marchés et les entrepôts. Ce n'était pas un simple effet secondaire de la guerre, mais une politique annoncée, clairement exprimée par les dirigeants de l'occupation : "Pas d'eau, pas de nourriture, pas de carburant". Le résultat a été catastrophique : une famine réelle a frappé les habitants de la région, surtout dans le nord, où les habitants ont dû manger de la nourriture pour animaux après l'épuisement des stocks alimentaires, puis ils se sont retrouvés même sans nourriture pour animaux. Plus de 90 % des enfants de Gaza souffrent de maladies liées à la malnutrition, tandis que des maladies et des épidémies ont proliféré. La faim ici n'était pas le produit d'une guerre d'urgence, mais au cœur d'un plan d'extermination silencieuse.

En Cisjordanie, l'occupation a adopté une politique de siège économique et d'étouffement financier. Le commerce a été paralysé, les barrages fermés, et la circulation entre les gouvernorats interdite. Plus grave encore est la rétention des fonds de la collecte palestinienne, qui représentent la principale source de revenus de l'autorité nationale, provoquant une crise financière aiguë, privant des dizaines de milliers de familles de salaires, et entraînant une hausse des taux de pauvreté et de chômage ainsi qu'un manque de sécurité alimentaire.

Ici, la famine n'est pas le résultat direct des bombardements ou du siège militaire, mais un outil "doux" mais mortel, utilisé par Israël pour briser la résilience des Palestiniens et étouffer leur volonté nationale et économique.
Ce qui se passe aujourd'hui en Palestine nous rappelle l'analyse de l'économiste indien Amartya Sen, lauréat du prix Nobel, qui a prouvé que les famines ne se produisent pas nécessairement à cause d'un manque de nourriture, mais en raison de "l'échec d'accès", c'est-à-dire le refus aux gens d'accéder à la nourriture ou de la posséder ou de l'acheter, bien qu'elle soit présente. C'est exactement ce qui se passe en Palestine : la nourriture est disponible dans le monde, mais elle est assiégée et interdite aux Palestiniens, que ce soit par les bombardements des points de passage à Gaza ou par l'interdiction de verser les salaires en Cisjordanie.

Face à cette réalité catastrophique, il est impératif d'agir immédiatement sur plusieurs niveaux. Le début doit être sur le plan politique et diplomatique, où il faut soumettre le dossier de la famine à la Cour pénale internationale en tant que crime de guerre décrit, et non seulement en tant que violation humanitaire. Cela nécessite de briser le silence du monde officiel et de mettre l'occupation devant ses responsabilités légales.

Au niveau humanitaire et d'aide, il faut établir des corridors humanitaires sûrs et ouverts sous surveillance internationale, garantissant l'entrée de nourriture, de médicaments et de carburant sans conditions ni restrictions, et mettre fin au siège comme condition préalable à tout mouvement international.

Quant au niveau économique national, il y a un besoin urgent d'un plan d'urgence palestinien soutenant la production locale, fournissant des opportunités d'emploi et activant les réseaux de solidarité sociale, au lieu de dépendre de l'économie israélienne ou des aides conditionnées. Un Palestinien ne peut pas résister s'il devient otage de la nourriture, du marché et de l'argent retenu.

Enfin, il y a une grande responsabilité qui incombe aux intellectuels, aux journalistes et aux créateurs. Ils doivent faire face aux récits trompeurs qui justifient le siège de Gaza et l'étranglement de la Cisjordanie, et élever leur voix pour révéler que ce qui se passe n'est pas simplement une guerre conventionnelle, mais une bataille d'extermination silencieuse menée contre un peuple entier. La tragédie de la famine doit devenir une question d'opinion publique mondiale, comme les famines du monde au cours des deux derniers siècles ont été témoins des crimes des régimes et des gouvernements.

La famine n'est pas seulement une agression contre les corps, mais contre la conscience, la dignité et le droit d'exister. Si tout le monde ne s'active pas aujourd'hui, la famine écrira l'avenir des Palestiniens comme elle l'a fait précédemment pour d'autres peuples avec du sang, de la maladie et une lente mort. Ce n'est pas une bataille pour le pain… C'est une bataille pour la vie.

Cet article exprime l'opinion de son auteur et ne reflète pas nécessairement l'opinion de l'Agence de Presse Sada.