New York Times : Israël peut-il réparer ses relations avec les Américains ?

SadaNews - L'écrivain David Halbfinger, chef du bureau du New York Times en Israël, déclare que la guerre de Gaza, qui a gravement nui à Israël, tant matériellement qu'humainement, a également affecté ses relations avec les citoyens de ses principaux alliés, les États-Unis.

Halbfinger explique que la réputation d'Israël aux États-Unis est maintenant dans un état lamentable, non seulement dans les universités ou parmi les milieux progressistes, mais aussi parmi les électeurs américains, soulignant que depuis 1998, les sondages n'ont pas montré une telle empathie de la part de ces électeurs envers les Palestiniens plus qu'envers les Israéliens.

Même les Juifs américains, qui ont historiquement été les plus fervents soutiens d'Israël aux États-Unis, sont devenus, selon l'auteur, plus critiques à l'égard du Premier ministre Benjamin Netanyahou, sous le coup d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale, et de son gouvernement de droite.

Sondages

Halbfinger rapporte qu'un nouveau sondage, cette fois du Washington Post, a montré que la majorité des Juifs américains pensent qu'Israël a commis des crimes de guerre, après avoir tué des dizaines de milliers de civils et restreint leur accès à l'aide alimentaire, tandis que 4 sur 10 d'entre eux estiment qu'Israël est coupable de génocide.

Il note que toutes les catégories d'Américains ; électeurs, élites politiques, partis et groupes religieux, comme les évangéliques, ont été touchées par ce changement d'avis contre Israël, ajoutant que ce retournement a même poussé les démocrates modérés au Congrès à envisager de prendre des positions plus strictes envers Israël, y compris la réduction de l'aide militaire américaine.

Pour illustrer l'ampleur des dommages à la réputation d'Israël, l'auteur cite ce que la commentatrice conservatrice Megyn Kelly a déclaré dans son entretien avec le célèbre animateur américain Tucker Carlson dans son émission audio le mois dernier : "Tous ceux qui ont moins de trente ans sont contre Israël".

Il est trop tard

Halbfinger se demande si ces jeunes générations américaines resteront éloignées d'Israël à long terme, et ce que les partisans d'Israël pourraient faire pour inverser cette tendance.

Il commence par citer une phrase de Shibley Telhami, chercheur et spécialiste des sondages et professeur de relations internationales à l'Université du Maryland, qui a déclaré : "Il est trop tard".

Telhami a expliqué : "Nous sommes maintenant confrontés à une génération Gazaïenne modèle, tout comme nous avons eu la génération du Vietnam et la génération de Pearl Harbor. Il y a un sentiment croissant parmi les gens qu'ils assistent à un génocide en temps réel, amplifié par les nouveaux médias qui n'étaient pas présents durant la guerre du Vietnam. C'est une nouvelle génération qui voit Israël comme le méchant de l'histoire, et je pense que cette impression ne s'effacera pas facilement".

Shibley Telhami : la nouvelle génération en Amérique voit Israël comme le méchant de l'histoire, et je pense que cette impression ne s'effacera pas facilement.

La légitimité de l'existence d'Israël

Halbfinger attribue à l'écrivain israélien né aux États-Unis, Yossi Klein Halevi, le fait qu'il ait été choqué lors d'une récente tournée dans les universités américaines, en raison de "l'émergence d'une idée toxique" concernant la légitimité même de l'existence d'Israël.

Cependant, l'auteur note qu'il y en a qui pensent qu'une fois les combats terminés et l'afflux d'images terrifiantes de Gaza qui ont envahi les réseaux sociaux pendant deux ans arrêté, cela pourrait permettre aux partisans d'Israël en Amérique de retrouver leur équilibre.

Il cite Dalia Shindlein, analyste des sondages et chercheuse invitée à l'Université de Pennsylvanie, qui déclare : "Il y a de la place pour un rétablissement. Les gens ont tendance à exagérer l'ampleur des dommages subis par Israël. Un simple arrêt des meurtres permettra à certains de revenir à la zone de confort où ils soutenaient Israël".

Intérêts et valeurs communes

Certains experts et penseurs, selon l'auteur, estiment que les intérêts communs entre Israël et les États-Unis dans des domaines tels que le renseignement, l'armée et les secteurs technologiques sont très forts, connus des responsables et du grand public, et constituent encore une base solide pour la continuité de leurs relations.

Halbfinger aborde ce qui se dit au sujet des valeurs communes entre les deux pays comme levier pour leurs relations, citant ce que Yossi Klein Halevi, chercheur au Shalom Hartman Institute de Jérusalem, a déclaré, à savoir que de telles valeurs sont devenues une source de débat dans les deux pays qui souffrent d'une polarisation politique croissante.

D'un côté, dit Halevi, nous avons le récit libéral israélien sur la création d'un État juif après l'Holocauste qui s'est battu pour des valeurs libérales sous pression constante, et de l'autre, il y a le récit du gouvernement israélien qui voit Israël comme le bastion avancé des États-Unis contre le monde islamique, cette narration ayant un écho auprès de la droite américaine.

Halevi ajoute qu'il est difficile de construire une relation entre les deux pays sur la base de valeurs communes lorsque aucun des deux pays ne peut s'entendre en interne sur ses propres valeurs.

Quoi qu'il en soit, la réparation de la relation avec les Américains qui se sont éloignés d'Israël à cause de la guerre s'avère difficile, précise Halbfinger, mais les experts s'accordent à dire qu'Israël n'aura d'autre choix que d'essayer de réparer cette relation, compte tenu du degré d'isolement international dans lequel Netanyahou a permis à Israël de tomber.

Source : New York Times