Jérusalem économique : une ville qui résiste avec des poches vides
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Jérusalem économique : une ville qui résiste avec des poches vides

Dans le tumulte des débats politiques, Jérusalem économique est absente de l'attention médiatique, malgré les complexités qu'elle recèle et qui méritent d'être examinées. Jérusalem, avec sa symbolique religieuse et nationale, traverse une crise économique silencieuse, où l'occupation se croise avec des restrictions, et la réalité palestinienne avec l'impuissance, tandis que le citoyen de Jérusalem endure une souffrance quotidienne.

Depuis des années, la ville est soumise à une politique de "l'engloutissement lent" adoptée par l'occupation, non seulement par la force, mais aussi par des moyens économiques. Des taxes élevées, des frais municipaux croissants, et un resserrement sur le commerce et l'immobilier ont fait de Jérusalem l'une des villes les plus chères de la région. En contrepartie, la capacité des institutions palestiniennes à jouer un rôle parallèle dans la fourniture de services ou de soutien financier a diminué, laissant le Jérusalémite seul sur le terrain, payant plus qu'il ne gagne, et essayant de rester dans sa ville à tout prix.

Étranglement du marché et érosion du secteur privé
Le secteur privé Jérusalémite n'a pas été à l'abri. Les commerçants font face à des pressions quotidiennes : des fermetures répétées, des amendes municipales arbitraires, la démolition de magasins, en plus d'une concurrence déloyale de la part d'entreprises israéliennes soutenues. Malgré cette réalité difficile, de nombreux propriétaires d'entreprises continuent de résister, non seulement pour gagner leur vie, mais pour préserver le caractère économique palestinien de la ville.

Au cœur de Jérusalem, la vieille ville reflète l'ampleur de la détérioration économique. Selon la Chambre de commerce et d'industrie de Jérusalem, la région compte environ 2000 magasins palestiniens, dont 450 sont des boutiques de souvenirs, des restaurants et des petits magasins. Depuis le déclenchement du dernier conflit, plus de la moitié de ces magasins ont été complètement ou partiellement fermés, ce qui signifie un effacement progressif de l'identité économique de la région. Quant à ceux qui restent, ils font face à un effondrement des revenus atteignant dans certains secteurs, comme le tourisme et l'artisanat, des taux compris entre 90 et 99%.

Des jeunes sans avenir… et un chômage accablant
Les jeunes Jérusalémites paient un prix double. Les statistiques indiquent que le taux de chômage parmi la tranche d'âge (15–24 ans) est d'environ 32%, l'un des taux les plus élevés en Palestine. Dans un contexte de hausse du coût de la vie et d'augmentation des frais d'éducation et de logement, l'avenir semble sombre pour les jeunes de Jérusalem, notamment en raison de l'absence de politiques efficaces pour créer des opportunités d'emploi ou des programmes de formation professionnelle durables.

En même temps, les institutions palestiniennes opérant à Jérusalem souffrent d'un faible financement et de restrictions légales israéliennes sévères qui entravent leur travail. Cependant, certaines initiatives communautaires continuent d'essayer de combler le vide, que ce soit par des fonds de soutien aux étudiants, des aides aux commerçants ou des programmes de formation professionnelle.

L'économie jerusalémite entre blocus et restrictions systématiques
Le défi économique à Jérusalem ne se limite pas à un faible investissement ou à l'absence de soutien institutionnel, mais s'étend à des restrictions matérielles quotidiennes imposées par les autorités d'occupation sur la circulation et le commerce. Les barrages militaires qui encerclent la ville constituent un vrai mur devant l'entrée de milliers de Palestiniens de Cisjordanie à Jérusalem, que ce soit pour travailler, faire des courses ou recevoir des services, ce qui diminue la demande et étouffe le marché local.

Selon un rapport du Bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA), environ 150 barrages permanents et points de contrôle sont dispersés autour de Jérusalem Est, rendant les déplacements vers cette ville un processus complexe et coûteux.
De plus, le produit palestinien rencontre de grandes difficultés à accéder aux marchés de Jérusalem, en raison des permis et procédures israéliens complexes. En revanche, les produits israéliens subventionnés inondent les marchés jerusalémites, imposant leurs prix au citoyen sans concurrence équitable. Des rapports locaux indiquent que le coût de la vie à Jérusalem est supérieur d'environ 25–30% par rapport aux villes de Cisjordanie, ce qui met à rude épreuve les Jérusalémites et les pousse vers une pauvreté silencieuse.

Les fonds souverains : un outil absent du champ de bataille
Dans ce paysage, une question importante se pose : quel est le rôle des fonds souverains palestiniens dans le soutien à la résilience de Jérusalem ?

Ces fonds ont la capacité stratégique de transformer l’aide aléatoire en projets productifs, générant des emplois et soutenant la structure économique de la ville. Ce qui est exigé, ce n'est pas seulement d'injecter des fonds, mais de les orienter dans deux directions :

1.     Mobiliser le soutien financier destiné à Jérusalem grâce à des partenariats avec des investisseurs palestiniens dans la diaspora, ainsi que des réseaux de financement régionaux et internationaux.

2.     Créer de réelles opportunités d'emploi dans les secteurs du commerce, du tourisme, de l'éducation et de la culture, pour compenser le vide résultant des déplacements ou des fermetures d'institutions palestiniennes.

Vers une vision économique spécifique pour Jérusalem

Jérusalem a besoin d'une vision économique nationale claire, tenant compte de sa singularité et de ses défis imbriqués. Cette vision doit inclure :
●     La création d'un fonds national permanent pour soutenir les commerçants, les étudiants et les institutions de Jérusalem.

●     Stimuler les investissements dans les secteurs prometteurs : touriste, culture, éducation et technologie.

●     Dynamiser les partenariats entre les institutions jerusalémites et le secteur financier palestinien pour faciliter le financement.

●     Autonomiser les jeunes par des programmes de formation et d'emploi durables.

Alors que les politiques internationales hésitent à protéger Jérusalem sur le plan politique, la bataille économique reste un champ tout aussi important. La résilience des Jérusalémites dans leur ville ne peut subsister avec un minimum de soutien. Aujourd'hui, la ville résiste avec des poches vides, mais elle ne le restera pas indéfiniment à moins que les outils de la confrontation ne changent.

Cet article exprime l'opinion de son auteur et ne reflète pas nécessairement l'opinion de l'Agence de Presse Sada.