L'adaptation émotionnelle et la philosophie de la résistance à l'éducation en Palestine
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L'adaptation émotionnelle et la philosophie de la résistance à l'éducation en Palestine

L'alliance éducative palestinienne
Chercheur dans le domaine de l'éducation

Dans la perspective de la résistance au cœur de la tempête qui détruit les infrastructures éducatives et déchire le tissu social également visé, le concept de "l'adaptation émotionnelle" émerge comme une philosophie éducative existentielle pour les enseignants palestiniens à Gaza et en Cisjordanie, en raison du spectacle du crime sur la géographie palestinienne, tant humaine que spatiale. Cette normalisation dans l'adaptation n'est pas, bien sûr, un abandon à la réalité occupée, mais plutôt un mécanisme de contournement psychologique conscient qui transforme la douleur prolongée en un acte éducatif différent et résistant. Alors que l'enseignant cultivé rejette le concept d'adaptation politique soumis à la discipline de l'occupation, il pratique une adaptation émotionnelle face aux préoccupations quotidiennes, transformant celles-ci en une énergie éducative créative malgré les obstacles.

L'adaptation émotionnelle ici est un processus dynamique qui transforme la souffrance en un outil éducatif : l'enseignant dans un camp de déplacés ou sous les bombardements, ou dans une maison assiégée, n'a pas le luxe d'attendre que les conditions se stabilisent. Il normalise ses sentiments de peur, de colère et de désespoir afin de les transformer en un moteur d'action, dans une adaptation productive et intentionnelle. Des programmes uniques d'apprentissage social et émotionnel, mis en œuvre par le ministère de l'Éducation en partenariat avec le Centre pour l'innovation de l'enseignant, montrent comment l'adaptation émotionnelle devient une approche pratique : des dizaines d'initiatives scolaires ont ciblé plus de mille élèves et dépassé la centaine d'enseignants, se concentrant sur la gestion de la gamme d'émotions saturées par les transformations politiques choquantes, et sur la construction de la résilience psychologique face à cette réalité. Ces initiatives n'étaient pas des formations techniques dissociées de la réalité, mais des exercices existentiels portant sur la persistance à faire jaillir l'humanité au milieu de l'inhumanité.

La philosophie de l'adaptation émotionnelle repose sur la dualité du rejet et de l'acceptation : un rejet de la normalisation politique avec l'occupant qui tente d'effacer l'identité de l'enseignant, et une acceptation de la dure réalité émotionnelle comme sujet à traiter, et non à subir. Les enseignants à Gaza qui créent des classes dans des tentes chaudes et utilisent des plateformes virtuelles malgré les coupures de courant, pratiquent "l'adaptation positive" dont parle Cassel dans les compétences de gestion personnelle et de conscience sociale, mais ils rejettent l'adaptation des relations avec l'injustice. Ils adaptent leurs émotions à la douleur sans normaliser leur conscience avec l'injustice. C'est ce qui se passe à Jénine et Tulkarem en Cisjordanie.

Le plus grand défi de cette adaptation émotionnelle est de préserver l'identité et le soi au milieu du déplacement : la minorité - comme le souligne la recherche sur l'apprentissage émotionnel et social - a besoin de compétences différentes de celles du modèle occidental, telles que la construction de l'identité collective et la fierté culturelle. Lorsque l'occupation détruit 90% des écoles de Gaza et tue environ mille enseignants, l'adaptation émotionnelle devient un moyen de tisser la mémoire collective. Des initiatives comme celles mises en œuvre par l'enseignante N. A pour encourager les élèves à s'accrocher à leurs rêves et à ne pas les fuir, malgré un salaire qui lui permet à peine d'acheter deux livres de tomates sans autres compléments, et son parcours de six jours par semaine à raison de deux heures par jour à pied pour atteindre son message éducatif sous le chaud soleil qui brille sur des espaces encombrés de béton écrasé et incandescent, pour parvenir à la "tente des merveilles", où chaque classe compte plus de quatre-vingts enfants, avec cinq poussins par banc, ouvrant leurs bouches pour capter la passion autant que possible. La même enseignante, dans son parcours quotidien à côté des tentes, entend le bruit de la violence faite aux enfants par leurs parents en raison du choc psychologique avec la réalité désastreuse qui s'étend sur la bande de Gaza, ce qui pousse l'enseignante, avec sa conscience, à adapter tout cela malgré sa cruauté et son amertume à une résistance culturelle massive contre l'effacement de l'identité, formulant ainsi une forme d'espérance.

Aujourd'hui, alors que 88% des écoles de Gaza sont déclarées détruites, l'adaptation émotionnelle des enseignants devient une philosophie de survie. C'est la "véritable adaptation", qui signifie déraciner l'occupation des âmes avant la terre. L'enseignant qui enseigne sous la tente, et les élèves qui apprennent parmi les décombres, pratiquent les plus nobles formes de résistance : donner naissance à la vie là où la mort sème ses mines. C'est le miracle éducatif qui établit la victoire de la mémoire sur l'oubli, et de la vie sur la destruction.

Cet article exprime l'opinion de son auteur et ne reflète pas nécessairement l'opinion de l'Agence de Presse Sada.