Gaza... Quand l'économie s'effondre avant la reconstruction
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Gaza... Quand l'économie s'effondre avant la reconstruction

À Gaza, la perte ne se mesure pas au nombre de bâtiments détruits ni à l'ampleur des décombres s'étendant à l'horizon, mais à ce qui reste de la capacité des gens à vivre, travailler et espérer. La guerre qui a consumé la pierre n'a laissé derrière elle qu'une économie qui respire difficilement, transformant la stagnation en effondrement total, et gommant les distanciations entre pauvreté, chômage et désespoir.

 La guerre a frappé le cœur de l'économie directement, gelant le mouvement commercial, coupant les chaînes de production et fermant les portes des usines qui constituaient les artères de la vie quotidienne.

Les estimations des institutions internationales indiquent que le produit intérieur brut dans la bande de Gaza a diminué de plus de 80 % au cours de l'année dernière et que plus de neuf entreprises sur dix ont cessé leurs activités. Ces chiffres ne traduisent pas un déclin temporaire, mais un effondrement profond menaçant les fondements de la société toute entière. L'économie, qui peinait à équilibrer production et consommation, dépend aujourd'hui de l'aide humanitaire comme principale source de survie, tandis que le chômage parmi les jeunes a dépassé 79 %, transformant le diplômé universitaire en symbole d'une génération attendant son tour dans une file d'attente sans fin.

Les jeunes de Gaza vivent dans une réalité qui résume les contradictions du temps : une génération éduquée et qualifiée, mais prise au piège derrière des frontières qui ne s'ouvrent que pour l'aide, pas pour les idées et les projets. Les petites entreprises qui constituaient un souffle d'espoir ont fermé leurs portes, et les diplômés qui rêvaient d'un avenir dans leur pays envisagent désormais de partir à la recherche d'opportunités, ou se contentent de survivre au jour le jour comme le plus grand espoir possible. Avec l'absence d'opportunités d'emploi, la foi en l'utilité s'érode, et le rêve collectif qui maintenait Gaza en vie s'amenuise.

Avant les guerres répétées, Gaza vibrait au rythme de la vie économique ; ses petites usines produisaient, ses exploitations agricoles exportaient, et ses marchés grouillaient d'activités. Aujourd'hui, tout a changé. Plus de 3 800 établissements industriels ont été réduits à un dixième de leur taille, et l'agriculture, qui employait des milliers de familles, a reculé sous le poids de la destruction et de la rareté des ressources. Avec la baisse du pouvoir d'achat et l'interruption des échanges commerciaux, Gaza est entrée dans un cercle fermé ne produisant que plus de pauvreté et de désespoir. Les gens ne cherchent plus à faire des bénéfices ou à croître, ils s'efforcent simplement de survivre, dans une économie qui a perdu son pouls et s'est transformée en une attente longue pour une aide qui ne ravive pas la vie.

Leçons des guerres passées : la reconstruction ne suffit pas

Gaza a connu des expériences répétées de destruction et de reconstruction sans jamais sortir de la spirale.

 Après la guerre de 2014, la Banque mondiale a noté dans un rapport publié en 2015 que le processus de reconstruction était le plus lent au monde depuis la Seconde Guerre mondiale, et que plus de la moitié des engagements internationaux n'avaient pas été concrétisés en raison des restrictions israéliennes sur l'entrée des matériaux de construction, de la poursuite des fermetures des points de passage et des complexités des mécanismes de reconstruction.

 En conséquence, des milliers de familles ont passé plus de quatre ans à attendre la reconstruction de leurs maisons, alors que le cycle de production n'a pas repris et que les établissements industriels sont restés sans financement ni matières premières.

Le rapport de la Banque mondiale de 2020 a également indiqué que l'économie de Gaza avait perdu plus de 50 % de sa capacité productive en une seule décennie, et que la croissance économique durant les périodes de "calme relatif" n'avait pas dépassé 1 %, un taux insuffisant même pour compenser la croissance démographique.

Ainsi, les leçons sont claires : la reconstruction qui se concentre sur le bâtiment sans le développement ne fait que reproduire la crise au lieu de la traiter. Les points de passage fermés ne construisent pas une économie, et l'aide seule ne crée pas de stabilité.

Des décombres à la vision

Aujourd'hui, le secteur a besoin d'un plan économique national global qui redéfinisse le concept de reconstruction. Une reconstruction qui commence par l'homme avant le bâtiment, et qui reconstruit la production et non les murs. Un plan qui place parmi ses priorités le soutien aux petites et moyennes entreprises pour l'emploi des jeunes, la réhabilitation des zones industrielles et agricoles, et le renforcement de l'intégration économique avec la Cisjordanie pour briser l'isolement commercial. Le secteur privé, malgré ses pertes massives, conserve encore l'esprit d'initiative et la détermination à se relever.

 Les expériences passées ont montré que le capital national, lorsqu'on lui en donne l'opportunité, peut renaître de ses cendres.
 C'est pourquoi la création d'un fonds national pour la reconstruction et le développement, géré de manière professionnelle et transparente, peut constituer un véritable point de départ, reliant le financement à la production et non à la consommation, et rétablissant la confiance entre les investisseurs et la communauté.

Gaza et l'avenir

Sauver Gaza n'est plus seulement un choix humanitaire, mais une nécessité nationale pour la survie de l'économie palestinienne dans son ensemble.

Car sans une Gaza productive et connectée au monde, le développement palestinien restera incomplet et la géographie économique restera paralysée.

 Mais la véritable reconstruction ne commence pas par le ciment et le fer, mais par la reconstruction de l'homme – en réactivant les esprits avant les usines, et en ravivant l'espoir avant la pierre.

Gaza possède encore ce qui ne peut pas être détruit : l'homme palestinien. Malgré le siège et la division, elle conserve une énergie capable de se lever à nouveau. Car la reconstruction qui ne crée pas d'emplois... n'est pas une reconstruction, mais une trêve temporaire avec la douleur.

Cet article exprime l'opinion de son auteur et ne reflète pas nécessairement l'opinion de l'Agence de Presse Sada.