Le leader de l'opposition camerounaise s'enfuit secrètement au Nigeria
Arabe & International

Le leader de l'opposition camerounaise s'enfuit secrètement au Nigeria

SadaNews - Le célèbre opposant camerounais Issa Tchouroma Bakary s'est enfui au Nigeria, dans une démarche surprenante survenue après des semaines d'élections présidentielles au cours desquelles le président Paul Biya a annoncé sa victoire pour un huitième mandat, au milieu d'un large refus de l'opposition et d'accusations de fraude selon de nombreuses sources.

Tchouroma, dont la maison à Garoua, au nord du pays, était sous une surveillance sécuritaire stricte, a réussi à quitter le Cameroun pendant la nuit à travers la rivière Bénoué, profitant de la faible surveillance sur ce cours d'eau reliant Garoua à la ville nigériane de Yola.

Selon des sources de sécurité nigérianes, Tchouroma est actuellement sous une forme de résidence surveillée dans l'État d'Adamawa, où les services de renseignement suivent ses mouvements de près, sans qu'aucune mesure légale n'ait encore été prise à son encontre.

Tchouroma, ancien ministre de l'information, avait annoncé sa victoire lors des élections présidentielles qui se sont tenues il y a trois semaines, accusant le Conseil constitutionnel de « fraude institutionnelle » en faveur du président Biya.

Sa fuite coïncide avec l'intensification de la répression contre les opposants, alors que l'avocate Michelle Ndougui et l'activiste des droits humains Félix Agbor Balla se sont échappés à l'étranger, au milieu d'arrestations et de poursuites visant des dizaines d'activistes.

Possibilité d'extradition

Issa Tchouroma Bakary a maintenu des relations solides avec des personnalités influentes dans l'État d'Adamawa au Nigeria, ce qui lui a permis de sécuriser un refuge alternatif à l'extérieur du Cameroun pour éviter l'arrestation.

Ce réseau de relations lui a fourni une couverture politique et sociale qui l’a aidé à quitter le pays à un moment très sensible.

Bien qu'il n'existe pas d'accord d'extradition officiel entre le Cameroun et le Nigeria, la précédente extradition de chefs séparatistes en 2018 demeure présente dans l'esprit des décideurs à Yaoundé et alimente la possibilité d'un accord particulier avec Abuja, surtout si la présence de Tchouroma est considérée comme une menace pour la stabilité régionale.

Les autorités camerounaises comptent sur une coopération nigériane qui garantirait la surveillance des mouvements de Tchouroma et limiterait son activité politique, en voyant cela comme un moyen indirect de le contenir sans avoir besoin d'une escalade légale ou diplomatique.

Dans ce contexte, Yaoundé envisage de soumettre une demande formelle d'extradition, bien que cela soit chargé de complications juridiques et politiques.

Au sein du gouvernement camerounais, les positions varient ; tandis que le ministre de l’administration territoriale, Paul Atanga Nji, fait pression pour le poursuivre en justice, d'autres estiment que sa présence au Nigeria, à proximité de la frontière, reste une option moins coûteuse, car il peut être isolé politiquement sans susciter de réactions internationales.

Une source sécuritaire à Yaoundé a décrit sa présence au Nigeria comme un « moindre mal », notant que son influence restera limitée en raison de la surveillance nigériane, qui ne lui permettra pas de se mouvoir librement.

Une source diplomatique a affirmé que l'absence d'accord d'extradition ne signifie pas l'immunité, car Abuja pourrait l'arrêter pour des accusations locales et établir un accord particulier avec le Cameroun, dans le cadre de ce qu'elle a qualifié de « compromis politiques plus que juridiques ».

Pour sa part, Tchouroma est conscient de la sensibilité de sa situation et évite toute escalade qui pourrait l'embarrasser devant les autorités nigérianes.

Cependant, des rapports indiquent qu'il continue depuis son exil à coordonner la campagne des « villes fantômes », visant à paralyser l'activité économique au Cameroun en signe de protestation contre l'annonce de la victoire du président Paul Biya.

La fuite du leader de l'opposition camerounaise révèle des lacunes sécuritaires dans le nord malgré le siège qui lui est imposé, et reflète la montée de l'opposition et l'escalade de la répression politique, soulignant une crise de légitimité croissante dans le pays, alors que sa présence au Nigeria ouvre la voie à une internationalisation de la crise, surtout s'il décide d'agir médiatiquement ou diplomatiquement depuis l'étranger.