Tout comme Hollywood nous a trompés pendant des décennies avec des images de dinosaures géants, avec leurs peaux épaisses et leurs rugissements assourdissants, la réalité peinte en Cisjordanie est soumise à un processus de production similaire, mais ses outils ne sont pas des effets spéciaux ou des logiciels, mais une clôture électrique, des portes numériques et un mur de séparation. Dans les films de dinosaures, il suffit d'une caméra et d'effets visuels pour convaincre le spectateur que ce qu'il voit est la réalité, même si c'est éloigné des découvertes scientifiques.

En Cisjordanie, il suffit de déclarations politiques, de cartes colorées et de rapports "sécuritaires" pour faire passer au monde l’idée que les barrières et les murs sont des "mesures temporaires", ou qu'ils relèvent d'une "nécessité sécuritaire", alors que leur véritable nature est une scène soigneusement conçue pour isoler la terre de ses propriétaires et remodeler la géographie et la mémoire ensemble.
Dans le village de Singel, j'ai vu la scène comme si c'était une prise d'un faux documentaire : une clôture électrique entourant les terres agricoles, des pylônes coupant l'horizon, des fils brillants sous un soleil brûlant, et des caméras surveillant chaque mouvement, comme si nous étions dans un monde primitif où une créature étrange traque sa proie. Mais ici, la créature n'est pas un dinosaure disparu, mais un système complet qui contrôle les détails de la vie quotidienne, du mouvement des agriculteurs jusqu'à l'heure d'ouverture des portes de leurs villages.

La scène à Qalqilya est encore plus étroite, une ville entourée par le mur de tous les côtés, son unique entrée ressemble à une porte de studio fermé, qui s'ouvre et se ferme sur signal du "réalisateur". De l'extérieur, cela semble être un système "d'organisation de passage", mais de l'intérieur, c'est une détention collective, il n'y a pas de différence entre le jour et la nuit sauf dans la couleur du ciel au-dessus du mur.

L'occupation ne s'est pas contentée d'écrire le scénario des murs et des portes, mais a introduit dans le paysage d'autres acteurs : les colons. Ceux-ci pénètrent dans les villages et villes palestiniens quotidiennement sans autorisation, comme s'ils se déplaçaient librement sur un plateau de tournage sans garde, laissant derrière eux des scènes d'incendie, de meurtre et de destruction de biens, puis partent sans être tenus responsables. Dans de nombreux villages, la fumée des maisons en feu est l'"effet visuel" le plus présent, et le son des balles constitue la "musique de fond" qui accompagne le film forcé.
Environ 900 portes sont disséminées le long du mur, fonctionnant comme des passages cinématographiques préparés avec soin, s'ouvrant à des heures précises pour les Palestiniens, tandis qu'elles restent ouvertes en permanence pour les colons. Ceux-ci les traversent pour entrer dans n'importe quel village ou route de leur choix, comme si la caméra tournait seulement en leur faveur, tandis que la diffusion est coupée lorsqu'il s'agit du droit des Palestiniens d'accéder à leur terre ou de protéger leur maison.

Quant au mur de séparation, ce n'est pas simplement une construction en béton, mais un "décor immense" redéfinissant le paysage palestinien pour lui donner l'apparence d'une histoire différente : "sécurité" ici et "frontières" là-bas, tandis que la vérité est que la terre s'érode, que les colonies se développent et que les cartes sont redessinées au profit d'un seul parti. Dans les films, les scènes qui ne conviennent pas à l'histoire sont supprimées ; en Cisjordanie, la vie elle-même est supprimée de nombreuses scènes lorsque les colons envahissent les champs, brisent les portes des maisons ou attaquent des passants en plein jour.

La différence entre le film "Jurassic Park" et ce qui se passe en Cisjordanie est que le premier vend l'imaginaire comme une réalité, tandis que le second vend l'occupation comme une "nécessité sécuritaire". Dans les deux cas, le public voit ce que le réalisateur veut qu'il voie, mais dans le cas de la Cisjordanie, les victimes elles-mêmes sont coincées dans la scène, incapables de quitter la salle ou d'éteindre l'écran.

Et peut-être que l'on pourrait pardonner aux cinéastes s'ils ajoutaient un rugissement au dinosaure que personne n'a entendu ou le faisaient plus grand qu'il n'était, car c'est de l'art et du divertissement. Mais on ne peut pas pardonner ceux qui écrivent un scénario avec des murs, des fils, des portes et des colons qui envahissent villages et villes quotidiennement pour brûler, tuer et détruire, car ce ne sont pas des scènes de cinéma, mais une vie contrainte de faire partie d'un film dur qui ne finit jamais.